L’extrémisme de droite en Suisse en 2013/2

Lucerne, 04 Janvier 2013

La Suisse alémanique immobile et Genève qui bouge

 

En Suisse alémanique, les organisations d’extrême droite ne comptent plus guère que de rares activistes. Fondée par le négateur de l’holocauste Bernhard Schaub, l’Action européenne n’en continue pas moins de battre le tambour pour une Europe national-socialiste. En Suisse romande, opèrent de nombreux groupes et groupuscules d’extrême droite, la plupart du temps sur Internet, parfois dans la rue.
A la droite de l’UDC, ainsi que d’autres organisations national-conservatrices (telle l’ASIN), l’activité politique se réduit à très peu de chose. Annoncé « mort » par son président fin 2012, mais prêt à repartir de zéro, le parti des Démocrates suisses DS, bien qu’ayant adopté un nouveau programme en mars 2013, n’a guère fait parler de lui par la suite. Un programme, annonçait le journal du parti, proclamant « un droit illimité à affirmer sa propre identité », hautement menacée, lisait-on, par la politique multiculturelle. Le parti souhaite pour notre société une « orientation sociale », mais une orientation sociale « profitant surtout à la population indigène » disait encore le journal  1. Bref, toujours le même refrain. Bravade ? Incantation ? « Les Démocrates suisses ont une raison d’être », pouvait-on lire en gros caractères sur la une du numéro de fin d’année du journal du parti. Valentin Oehen, conseiller national de l’Action Nationale AN, l’auteur de cette affirmation, n’invoque pas pour la justifier des succès des DS mais « les votations populaires ainsi que les sondages les plus récents ». Le parti a tout même enregistré un petit succès: l’adhésion d’Albert A. Stahel  2, en qui les médias reconnaissent un « expert ès stratégie », et qui, du coup, a valu aux DS un siège au parlement de la commune de Wädenswil, auquel il avait été élu sur la liste des Vert’libéraux après avoir tourné le dos à l’UDC. Après avoir eu une fraction au Conseil national au début des années 1990, les DS ne comptaient plus, fin 2013, que quelques rares sièges dans des parlements cantonaux.

Elu sur la liste « Volksaktion gegen zu viele Ausländer und Asylanten in unserer Heimat – Liste Ausländerstopp » (VA), Eric Weber siège toujours comme membre sans fraction au Grand Conseil du canton de Bâle-Ville. Il a annoncé à plusieurs reprises son départ, mais sans jamais s’en aller. Eric Weber, poids léger de la politique qui se croit au début d’une carrière fulgurante, écrit: « Eric Weber sera président de fraction en 2016, conseiller national en 2019 et conseiller d’Etat en 2020. Tel est son calendrier. »  3 En attendant, il multiplie les offensives, distillant quelques sous-entendus islamophobes par-ci  4, quelques propos xénophobes par-là  5.

 

Subcultures d’extrême droite

Skinheads – Hammerskinheads, Blood and Honour
La subculture naziskin a perdu au cours des dernières années le pouvoir d’attraction qu’elle exerçait sur les jeunes hommes. Les Hammerskinheads suisses (SHS) et les sections de Blood and Honour ne se sont plus guère manifestés. Fin 2013, un groupe antifa suisse a consacré aux activités que prévoient les Hammerskinheads suisses une série en quatre parties contenant notamment des informations détaillées sur quelques activistes opérant en Suisse alémanique ainsi qu’en Suisse romande  6. Les auteurs de cette série semblent avoir eu accès à des documents internes.

En automne 2013, le groupe thurgovien Vargr i Veum (hors la loi, sans patrie en ancien haut allemand) a sorti « Helwein », son deuxième support sonore; un modeste tirage de 300 exemplaires « numérotés à la main ». Mentionné pour la première fois en 2006, ce groupe appartient à la mouvance des Hammerskinheads, et ses musiciens ne sont plus de la première jeunesse. Deux d’entre eux ont confié à une chaîne de télévision en ligne allemande qu’ils étaient maintenant pères de famille et « des animaux un peu plus âgés, tous deux au-delà de quarante ans »  7.

Depuis l’été 2013, la maison Holy War Records ne pratique plus la vente en ligne. Domiciliée dans l’Oberland bernois (Brienz BE), gérée par une association pour la liberté de pensée et d’expression dans l’art et les médias, elle proposait depuis plusieurs années des supports sonores d’extrême droite.

Le Parti des Suisses nationalistes PSN
Début octobre, le PSN prétendait avoir le vent en poupe. En août, il avait renoncé au rendez-vous du Grütli, déçu, disait-il, de l’édition 2012. En revanche, il a offert aux membres et aux sympathisants un brunch interne dont le but était « de les sortir de la ligne de tir du public »  8. Rares sont apparemment au sein du parti les personnes prêtes à fournir un travail politique continu et à en avoir les capacités.

Fin septembre 2013, Philippe Brennenstuhl, négateur de l’holocauste notoire, a fondé officiellement le Parti Nationaliste Suisse PNS, en présence, indique celui-ci, d’une quarantaine de personnes. Alors membre du PNS, Brennenstuhl s’était déjà présenté aux élections fédérales de 2011. Il atteste clairement, sur son compte Facebook, sa proximité avec le national-socialisme. Il a mis en ligne, début janvier, une dédicace à lui dédiée, il y a trente ans, par un ancien Waffen-SS, Léon Degrelle,  en hommage, dit celui-ci, à « l’une de mes plus lumineuses rencontres »  9.

Le PNS a enregistré l’adhésion de plusieurs membres des Jeunesses Genevoises. Début décembre, le Valaisan Jimmy Dellea a animé de sa présence, à Lyon, un « Forum pour la Nation » auquel il remplaçait le président Brennenstuhl.

En plus de sa section romande, le PSN comptait fin 2013 deux sections dans le canton de Berne et une à Bâle, ainsi que cinq portails d’information, à savoir Argovie, Zurich, Suisse centrale, District du Lac et Oberland bernois. Aux comités des trois sections siègent des leaders chevronnés du PSN tels que Denise Friedrich et Adrian Segessenmann (Emmental), Dominic Lüthard et Tobias Hirschi (Haute-Argovie) ainsi que Roland Nägeli (Bâle).

Tous les trois mois paraît « Harus!, organe de presse du PSN ». Son rédacteur est Adrian Segessenmann, dont la case postale sert d’adresse de la rédaction. Outre son rédacteur, ce cahier de 16 pages ne compte que de rares contributeurs, dont Dominic Lüthard, président du parti, Denise Friedrich, ex-membre du comité, ainsi que des inconnus tels que « Ernst Dätwyler », « Konrad Maurer » et « Andrea Graber » (peut-être des pseudonymes). Parmi les lecteurs s’adressant au courrier des lecteurs, figure un certain « Martin Bracher, Büsserach ».

Fondé en automne 2000 par des leaders de Blood and Honour, le PSN a présenté des candidats à plusieurs élections et remporté deux sièges au parlement de Langenthal ainsi qu’un siège à l’exécutif de Günsberg SO. Plusieurs leaders du PSN ont été condamnés au cours des dernières années pour infraction à la norme pénale contre la discrimination raciale.

En 2013, les Kameradschaften de la mouvance du PSN – par exemple Helvetische Jugend et Waldstätterbund – ne se sont pas manifestées dans la sphère publique, pas plus que d’autres, telle la « Kameradschaft Innerschweiz », dont on n’a plus entendu parler.

Heimatbewegung
Des extrémistes de droite suisses ont tenté, ces dernières années, d’investir des célébrations et des lieux de commémoration patriotique. Or les manifestations de masse ne sont plus possibles, ni pour la fête du 1er août au Grütli, ni pour la commémoration de la bataille de Sempach. L’habituel rendez-vous des extrémistes de droite du début d’août sur la prairie du Grütli n’a pas eu lieu en 2013. En revanche, ils ont fait leur apparition, sans préavis, début juin, à la pierre commémorative de la bataille de Laupen (1339). Selon un compte rendu du PSN, le premier à prendre la parole fut le « camarade Alemann », pour rappeler « au nom de la Heimatbewegung les événements de l’époque », propos suivis, selon le même compte rendu, par une allocution d’un « représentant » de Blood and Honour  10.

Issue, en 1995, de l’Initiative nationale suisse NIS, la Heimatbewegung prône une Suisse divisée en ses quatre régions linguistiques. Ou, comme elle le dit elle-même: « Afin de préserver durablement la survie de l’ethnie de souche alamane, nous nous battons pour un Etat fédéral populaire épousant les limites actuelles de la Suisse alémanique. »

 

Projets politico-culturels

Le cercle Avalon
Comme les années précédentes, le cercle Avalon, joignable à la case postale de son leader Adrian Segessenmann, a largement privilégié le huis clos. Rares ont été les contributions publiées sur son site. Le cercle se dit lui-même proche de « l’esprit du ‘mouvement national’ » et favorable à « une idéologie professant clairement une Europe des patries ». Depuis quelques années, le cercle Avalon accueille régulièrement des négateurs ou des négatrices de l’holocauste, la dernière en date étant Sylvia Stolz.

La librairie par correspondance Neue Zeitwende
La librairie par correspondance Neue Zeitwende continue de diffuser des livres s’enivrant de fantasmes de complots ourdis par des sociétés secrètes et 9/11, de la littérature à la gloire des SS ainsi que des apologies du national-socialisme. Une bonne partie de l’offre provient d’éditeurs allemands spécialisés dans la littérature d’extrême droite, tels que Hohenrain-Verlag et le Grabert-Verlag. Neue Zeitwende continue de diffuser également des DVD, des livres audio et des supports sonores. La diffusion se fait via une case postale d’Aefligen (près de Kilchberg BE). Le propriétaire en est toujours Adrian Segessenmann, le collaborateur  Michael Vonäsch.

Ernst Indlekofer et « Recht+Freiheit »
Comme l’année précédente, Ernst Indlekofer a fait aux Chambres fédérales l’honneur d’une lettre prônant, une fois de plus, l’abolition de la norme pénale contre le racisme. Revenant à la charge, il se plaint qu’au Parlement rien n’a bougé. « L’immigration se poursuivra-t-elle jusqu’à ce que les Bâlois, les Genevois, les Zurichois, etc. indigènes, ne représentent plus que deux pour cent de la population, comme le veut le diktat US du nouvel ordre mondial ? »  11. La plupart des articles sont de source non précisée ou écrits par Ernst Indlekofer. « Recht+Freiheit » diffuse également un discours du « rabbin viennois  Moishe Arye Friedman », qui avait déjà participé, en 2006, à la conférence des négateurs de l’holocauste de Téhéran. Parmi les personnes qui écrivent au courrier des lecteurs figurent « Walter Brunner, Unterseen » et « Evelyn Küffer, St.-Gall », mais aussi Willy Schmidhauser, Dettighofen, ex-président de la section Thurgovie des Démocrates suisses DS. Ancien chef de file des négateurs suisses de l’holocauste, « Andres Studer, Regensdorf », opposant actif, en son temps, à la norme pénale contre le racisme  12, a, lui aussi, repris du service pour se lamenter sur la défaite subie lors du référendum de septembre 1994 et sur « le peuple dépouillé de sa volonté » au nom de la « dictature sioniste et de l’abrutissement du peuple ». « Jadis neutre et libre », la Suisse devrait être rebaptisée « SWISSISRAEL » va-t-il jusqu’à écrire  13.

Officiellement, «Recht+Freiheit» est publié par le Presseclub Schweiz, dont l’assemblée générale s’est tenue le 27 juillet 2013 en un lieu inconnu. Les membres avaient été priés de se procurer auparavant leur carte d’invitation personnelle. Ernst Indlekofer est à la fois éditeur et rédacteur responsable du magazine.

Gaston-Armand Amaudruz et « Courrier du continent »
Amaudruz continue de répandre du racisme biologique et de grossiers fantasmes de complot provenant du fonds national-socialiste. Il déplore une « dégradation générale des libertés » et dénonce les « forces négatives », évidemment postérieures à 1945, qui « ont organisé l’invasion de l’Europe par des effectifs africains et asiatiques. Cela pour briser la résistance européenne au mélange racial et, par conséquent, pousser les peuples à la disparition »  14. La condition première de la survie de la modernité réside, selon lui, dans l’abolition des « lois-bâillons », ainsi qu’il appelle les lois contre la discrimination raciale. Evoquant l’effondrement de l’apartheid sud-africain, il écrit, dans un autre article, que ce fut pour « l’humanité blanche une tragédie, un grand pas vers la disparition »  15. Il vante l’Action européenne de l’« infatigable Bernhard Schaub »  16, mentionne la conférence de la négatrice de l’holocauste Sylvia Stolz à Coire (novembre 2012) et cite un auditeur: « Madame Stolz est une héroïne, elle a accompli des miracles. »  17

Claude et Mariette Paschoud – Le pamphlet
Cela fait plus 40 ans que Mariette et Claude Paschoud publient leur « Pamphlet », avec, comme à l’accoutumée, le fidèle soutien de leurs rares collaborateurs (Michel de Preux, Polluz, Max L’Impertinent). Mariette Paschoud tient toujours sa rubrique « Les nouvelles aventures… ». Son registre – consistant pour l’essentiel à exprimer ses sympathies pour les négateurs de l’holocauste ou à critiquer les condamnations dont ils font l’objet – s’est élargi à des propos insidieusement antisémites après que le président de la Confédération Ueli Maurer (UDC) se fut excusé devant l’assemblée annuelle de la Fédération suisse des communautés israélites FSCI d’avoir dit dans la lettre qu’il avait écrite à l’occasion de la journée internationale de commémoration de l’holocauste que la Suisse avait été un « havre de sécurité » pour les persécutés de la Deuxième Guerre mondiale (sans mentionner les réfugiés refoulés du fait de la politique suisse alors qu’ils allaient au-devant d’une mort certaine) et un « pays de liberté et de droit ». Mariette Paschoud a reproché à « Ueli » d’avoir « baissé sa culotte »  18. Elle a également trouvé à redire à une contribution de la Confédération à l’entretien du mémorial d’Auschwitz-Birkenau. « Mais je ne veux pas, a-t-elle écrit, que la Confédération se serve de mes impôts pour une cause aussi discutable. ».

Présence sur Internet
En plus de quelques comptes ouverts sur les médias sociaux existent des blogues sur lesquels des extrémistes de droite diffusent régulièrement des communiqués et des commentaires.

Schweizer Krieger/Mr. Odessa – Bruderschaft 1291
Il se fait appeler « Mr. Odessa », il se manifeste depuis l’été 2008 et l’on ne connaît toujours pas son vrai nom. Il donne l’impression de vivre à Lucerne. Il prétend occasionnellement appartenir à une certaine « Bruderschaft 1291 », dont on n’a rien appris de plus en 2013. Son ordinaire est constitué des thèmes chers aux extrémistes de droite et à l’UDC, à laquelle il fait souvent référence. Il dissémine souvent des communiqués sur Twitter.

Le blogue du mouvement
Depuis fin avril 2013, on ne connaît plus aucune activité à ce blogueur dit du mouvement. Il a surtout diffusé au cours des premiers mois de 2013 des messages exprimant sa sympathie pour des négateurs de l’holocauste comme  Horst Mahler ou Zündel. Il avait lancé son blogue en mai 2012, mais en préservant soigneusement  l’anonymat. Le Bernois Simon Steiner a toutefois révélé sur son compte Twitter en être l’exploitant. Sous le pseudonyme de « frontkrieger » (guerrier du front) devenu « NSCH @Frontkrieger », Steiner documente sur le service de messages courts (sms) sa sympathie pour les négateurs de l’holocauste et l’antisémitisme.

Négateurs de l’holocauste
Les négateurs de l’holocauste contestent trois faits historiques avérés: premièrement, qu’existait un plan d’extermination des juifs d’Europe, deuxièmement qu’aient été construites des chambres à gaz pour les faire périr et, troisièmement, que la persécution des juifs par les nazis se soit soldée par la mort de plusieurs millions d’entre eux.

L’Internationale des négateurs de l’holocauste traverse depuis plusieurs années une crise profonde; les rares activistes connus ne publient plus que rarement de nouveaux textes.

Bernhard Schaub et l’Action européenne AE
Cette année encore, l’Action européenne AE a organisé son grand rassemblement annuel, dit « fête de l’Europe », en un lieu secret des nouveaux länders allemands. Contrairement aux années précédentes, où l’AE commentait en long et en large cet événement, seuls le discours prononcé par un activiste du Liechtenstein et l’allocution de Rigolf Henning, un leader allemand de l’AE, ont eu droit à un résumé.

Pour des raisons inconnues, le site de l’AE n’a plus signalé depuis le printemps 2013 aucune nouvelle apparition de Bernhard Schaub. L’une des dernières, en compagnie de Pierre Vial, représentant de l’organisation Terre et Peuple, avait été pour annoncer que l’AE allait étendre ses activités à la France  19.

L’AE veut créer un mouvement paneuropéen, réunissant des extrémistes de droite de tous les pays d’Europe. L’idée qu’elle propage est celle d’une Europe national-socialiste ayant une politique militaire et étrangère commune, mais dont les pays resteraient souverains.

L’AE avait, fin 2013, un « secrétariat central » ainsi qu’un « bureau d’information Suisse » à Affoltern am Albis, des bureaux d’information en Allemagne du Nord (Rigolf Hennig), en région Rhin-Main, dans le sud de l’Allemagne, en France, en Autriche (Hans Berger, domicilié à Birsfelden), deux au « Royaume-Uni » (Richard Edmonds et Lady Michèle Renouf). L’AE propage toujours son matériel de propagande, dont une vidéo sur l’intervention de Bernhard Schaub au congrès de la coalition anti-censure AZK d’Ivo Sasek de 2009. Son canal de diffusion est le Ghibellinum-Verlag, joignable via une case postale à Eschenz TG.

Jürgen Graf
Maintenant âgé de 62 ans, le négateur de l’holocauste Jürgen Graf aimerait rentrer en Suisse et y vivre en liberté. Il a fui à l’étranger il y a plus de dix ans pour se soustraire à une peine d’emprisonnement de 15 mois prononcée à son encontre pour négation de l’holocauste. Vivant depuis de nombreuses années en Russie, il a dit, citant son avocat dans une interview donnée au printemps 2012, que sa peine devrait arriver à prescription début septembre 2014, mais qu’il aimerait bien rentrer plus tôt sans être aussitôt arrêté par la police. Or il a lui-même amenuisé ses chances de pouvoir rentrer en Suisse sans être inquiété par la police en publiant en automne 2013 un nouveau livre ainsi qu’une recension du livre de Raphael Ben Nescher « Holocaust-Revisionismus: Ideologie oder Wissenschaft? »  20. Graf affirme notamment dans cette recension que le système « démocratique » est contraint de recourir à la « terreur, à la censure et au lavage de cerveau afin de protéger le pire mensonge de l’histoire de l’humanité, dont ce système a un besoin vital »  21. Dans une interview accordée en mars 2013, Graf annonce en outre son intention d’écrire un livre « sur les dessous de l’invasion de l’Europe par le tiers-monde ». Il évoque à ce propos une « immigration de masse », qu’il affirme évidemment ne pas être « due au hasard » mais « pilotée par certains milieux ». Des milieux qui ont juré de briser le « sentiment de leur propre valeur » qu’ont les peuples européens et de « détruire leurs instincts naturels ». La clé de cette entreprise est d’abord d’entretenir le mensonge de l’holocauste, ensuite d’attiser les complexes de culpabilité liés à l’esclavage, au colonialisme, etc. Graf prend soin de ne pas être plus explicite, sachant que ses partisans d’extrême droite savent lire entre les lignes.

René-Louis Berclaz et les Editions de Cassandre
René-Louis Berclaz a ouvert début novembre un nouveau site intitulé « La Sentinelle du Continent ». Condamné pour négation de l’holocauste, il y affirme que la partie de la norme pénale contre le racisme qui déclare punissable la négation d’un génocide contrevient au droit international  22, ce en quoi il prend à son compte les arguments que l’UDC valaisan Oscar Freysinger avait portés en mars 2012 devant les Chambres fédérales  23. Berclaz continue, par ailleurs, à faire de la propagande pour des livres qui nient l’holocauste, de même que pour le torchon de Henry Ford « Le juif international ».

Cercles d’amis de l’extrême droite
En Suisse alémanique, la MIHAG (Militärhistorische Arbeitsgemeinschaft) ne semble plus avoir d’activités, aucune, à tout le moins, dont on ait connaissance. En Suisse romande, existent plusieurs associations célébrant la mémoire de fascistes et de national-socialistes des années 1930 et 1940. Parmi celles-ci, l’Association des Amis de Robert Brasillach, l’Association des Amis de Paul Gentizon ainsi que le Cercle Georges Oltramare, lequel n’a encore rien publié.

Association des Amis de Robert Brasillach
Cette association cultive depuis une soixantaine d’années la mémoire de cet écrivain français collaborateur des nazis, exécuté peu avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Le comité de l’association est toujours constitué de huit membres, dont les Suisses Pascal Junod,  son président, et Daniel Todeschini, le caissier. Comme à l’accoutumée, l’association a tenu à Paris sa conférence annuelle. Elle a également publié deux numéros de son Bulletin, avec, notamment, un texte signé René-Louis Berclaz, dans lequel celui-ci traite d’abord le comédien et réalisateur franco-tunisien Serge Moati de « juif » puis d’« histrion holocaustique ».  24

Pascal Junod avait déjà des activités au sein d’organisations d’extrême droite dans les années 1980. Après avoir fait partie pendant quelque temps de l’UDC, il se trouve aussi, aujourd’hui, à la tête de la section genevoise de l’ASIN  25.

Association des Amis de Paul Gentizon
Le journaliste Paul Gentizon était un admirateur d’Atatürk et, plus tard, de Benito Mussolini. Après la Deuxième Guerre mondiale, il a collaboré régulièrement au magazine néonazi  Der Turmwart, édité à Zurich. L’association estime avoir réussi au cours de sa neuvième année d’existence à faire comprendre toute l’étendue de la pensée de Gentizon  26. Le président de l’association est Massimo Patanè, son vice-président Alexandre Rawyler, la caissière Brigitte Vetsch et la présidente d’honneur Ada Wild. L’association a publié en 2013 deux numéros de ses Cahiers.

Cercle Georges Oltramare
On ne sait toujours pas qui dirige le Cercle, auquel on ne connaît à ce jour que peu d’activités. Le cercle des amis s’est manifesté comme co-organisateur d’une manifestation d’extrême droite, annoncée puis annulée, dans le quartier genevois des Pâquis.

Genève et ses extrémistes de droite
En Suisse vivent des gens d’origines très diverses. Sur le flanc droit de la société sont en train de se développer – essentiellement, jusqu’ici, en Suisse romande et plus particulièrement dans la région de Genève  27 – de nouveaux concepts racistes et extrême-droitiers influencés par les thèses de la Nouvelle Droite, laquelle plaide depuis les années 1970 la cause d’un ethnodifférentialisme prônant une séparation stricte des peuples d’origine différente ainsi que le rétablissement de sociétés homogènes. Radicalisée par le mouvement subculturel des « Identitaires », cette tendance a pour mot d’ordre « 0% racisme, 100% identité ». En clair: une Europe habitée par des gens de couleur blanche, chrétiens, païens, peut-être juifs, mais certainement sans musulmans. Se manifestant depuis plusieurs années à Genève, les Identitaires sont descendus dans la rue pour défendre les Serbes qui, en tant que chrétiens, se sont battus contre les « musulmans » au Kosovo.

Genève comptait fin 2013 une demi-douzaine de groupes se manifestant surtout  sur Internet, rarement dans la rue ou en public. Un projet de manifestation (fin mai 2013) a été abandonné, la Gauche anticapitaliste s’y étant opposée  28. Les activistes ne se manifestent jamais nommément. On ignore s’ils sont en contact avec les formations d’extrême droite traditionnelles; exception: le Parti Nationaliste Suisse PNS. Ce qui fédère ces groupes est le rejet de la société de consommation, de la mondialisation, des Etats-Unis et de l’Etat hébreu. Le rejet d’Israël les différencie des islamophobes qui voient en Israël le fer de lance du combat contre l’islamisation. Leurs références sont les débats qui agitent la France; ils ont par exemple pour figures emblématiques l’essayiste et activiste politique Alain Soral ainsi que l’humoriste Dieudonné, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale. De leur entourage font également partie deux activistes subculturels: le rappeur « Dissident », qui fait, dit-il, du « rap nationaliste, non conforme et antisioniste »; son collègue « Grosson », qui prend ses distances par rapport à la politique, ne laisse pas moins percer un certain antisémitisme lorsqu’il évoque les motifs de Mohammed Atta, homme impliqué dans l’attentat du World Trade Center: « Il pense, dit-il, aux juifs qui oppriment ses frères et ses sœurs vivant en Palestine. » Sur Facebook, « Dissident » se déclare solidaire des extrémistes de droite grecs d’ « Aube dorée ». A cette mouvance appartient également David L’Epée. Ex-membre de groupes d’extrême droite, il revendique aujourd’hui le titre d’« intellectuel indépendant » et vante les mérites de rappeurs comme « Dissident ». Des artistes « véritablement non conformes », dit-il, dont il sera temps de découvrir les relations qu’ils entretiennent avec des individus aussi louches que Dieudonné, Kemi Séba ou Alain Soral et ce qu’ils pensent du patriotisme, de l’islam, du socialisme ou du sionisme  29.

Comme en 2012, Kémi Seba a été invité en 2013 à prendre la parole en public. Français, de couleur noire, Kémi Seba appelle à la séparation des races. L’ « Afrique aux Africains », martèle-t-il en essayant, au nom de ce « panafricanisme », de convaincre les personnes de couleur noire de rentrer en Afrique. En clair, de déplacer par la force des millions d’êtres humains. Son affirmation selon laquelle l’esclavage a été l’œuvre des juifs n’est qu’une façon de plus de nourrir les fantasmes des extrémistes de droite et des antisémites.

Jeunesses Genevoises
La première apparition publique de ce groupe, qui s’appelait alors « Jeunesses Nationalistes Genevoises » date de novembre 2012. Plusieurs membres des Jeunesses Genevoises ont participé, en automne 2013, à la fête de la fondation du PNS, comme ils l’avaient fait auparavant pour une fête du 1er août de l’extrême droite genevoise. Lors de la mise en détention préventive de Frank Brunner par le ministère public genevois, le groupe s’est solidarisé avec lui, le qualifiant de « prisonnier politique »  30. Jeunesses Genevoises fait également savoir que le groupe compte parmi ses membres le rappeur « Dissident ».

Genève Non Conforme
Genève Non Conforme GNC existe depuis environ trois ans, mais l’un de ses porte-parole avait déjà en 2008 sur la toile un blogue (Cercle Futur) très actif. S’inspirant de la mouvance italienne de la Casa Pound, GNC conjugue la dénonciation des injustices sociales avec des thèses racistes et, plus spécialement, antisémites. En automne 2013, GNC a organisé avec les Jeunesses Genevoises une conférence  d’Alexandre Gabriac, chef des Jeunesses Nationalistes (interdites en France).

Les Identitaires Genève/ Génération Identitaire Genève
On n’a pas observé en 2013 d’activités publiques des Identitaires genevois, si ce n’est que Génération Identitaire Genève a apposé à la fin de l’automne des autocollants en ville de Genève et que Jean-David Cattin, activiste de longue date, a affirmé lors d’une interview que « le racisme antiblanc » existait également en Suisse, tout en reconnaissant « que les populations étrangères vivant en Suisse sont encore largement majoritairement d’origine européenne »  31.

Égalité et Réconciliation
Égalité et Réconciliation a pour maxime « Gauche du travail, Droite des valeurs et prône une réconciliation nationale »  32. Ce groupe genevois est présidé par Behnam Najjari, un Genevois d’origine iranienne. Alain Soral, cadre de E+R de nationalité française, s’est fait une place non négligeable dans les médias. Il est apprécié de Dominique  Bättig, ancien conseiller national UDC du canton du Jura  33 et membre, dans les années 1970, alors qu’il faisait ses études, d’un groupe genevois d’extrême droite  34.

Mouvement Fascio
Autre groupe implanté à Genève et opérant tout au moins sur Facebook, le Mouvement Fascio se réclame d’une part du maréchal Pétain  35 et sympathise, de l’autre, avec le « système monarchique ». « Nous rejetons sur certains points la démocratie actuelle, qui n’est, dit-il, que poudre aux yeux et qui maintient le mécontentement et le désaccord »  36.

Au Grand jour
Déployant une activité quotidienne sur Facebook, bien inséré dans l’extrême droite genevoise, le site  « Au grand jour » prêche la lutte des « goys » chrétiens et musulmans contre les juifs, ceci sur fond d’idéologie national-socialiste. Il a également mis en ligne plusieurs textes hostiles aux francs-maçons, ce qui faisait autrefois partie intégrante de l’idéologie des extrêmes droites et des conservateurs catholiques. On ne sait pas quel est l’exploitant du site.

Genève AntiAntifa
Tout comme « Au grand jour », Genève AntiAntifa se manifeste uniquement sur Facebook. Il se signale par des entrées quasiment quotidiennes, s’en prenant régulièrement aux gauchistes ou au mouvement antifasciste.

Lucerne, le 6 janvier 2014      Hans Stutz


Notes:

  1. Schweizer Demokrat, 5/2013, p. 4
  2. Schweizer Demokrat, 11/12/2013, p. 5. Les DS ont à Wädenswil un groupe local. Le président des DS du canton de Zurich est Andreas Stahel, fils d‘Albert A. Stahel.
  3. Eric Weber. Interpellation concernant des suffrages sortant falsifiés de l’imprimante. Précautions prises en vue des élections au Grand Conseil du 30 octobre 2016.
  4. Voir par exemple: Question écrite du 10 novembre 2013 « Pourquoi interdit-on de plus en plus les symboles chrétiens ? » Weber affirme: « C’est afin de ménager la susceptibilité de la population musulmane, déjà majoritaire dans beaucoup de villes (Berlin a basculé, Cologne a basculé, Francfort et Munich aussi. De même que de nombreuses villes de Belgique, des Pays-Bas et de France), que les symboles chrétiens vont disparaître. »
  5. « Beaucoup de citoyens viennent me voir ne sachant plus que faire tellement il y a d’étrangers qui habitent le Petit-Bâle. » Dans: Question écrite du 20 octobre 2013 relative au « Mécontentement social des gens du Petit-Bâle ».
  6. Advent, Advent – ein Neonazi wird benennt. (Suisse), parties 1 à 4. Voir https://linksunten.indymedia.org/node/100588https://linksunten.indymedia.org/node/101061https://linksunten.indymedia.org/node/101537 et https://linksunten.indymedia.org/de/node/102022, tous consultés le 4 janvier 2014. Voir également: Portail en ligne outet Ostschweizer Neonazis, 20 Minuten, 24.12. 2013.
  7. https://www.fsn-tv.de/zeige_vod.php?nr=62, (consulté le 26.12.2013, Interview avec Vargr I Veum, à partir de la 40e minute).
  8. Dominic Lüthard. Zum Geleit. Harus! 2/2013, p. 2.
  9. https://www.facebook.com/philippegeorges.brennenstuhl?fref=ts, (« une de mes plus lumineuses rencontres »), inscription du 4 janvier 2014. Ayant fui en Espagne la guerre terminée, Léon Degrelle a défendu le national-socialisme jusqu’à sa mort, en 1964, et gardé le contact avec de nombreux nazis, anciens ou nouveaux.
  10. Des extrémistes de droite commémorent la bataille, Berner Zeitung, 8 juillet 2013, p. 6.  Voir également la Chronologie, Laupen BE, 8 juin 2013.
  11. Ernst Indlekofer, éditorial, Recht+Freiheit, No 2/juin 2013, p. 1.
  12. Pour plus de détails sur Andres J.W. Studer, voir Peter Niggli/Jürg Frischknecht, Rechte Seilschaften, Zurich 1998, en particulier les pages  669-674.
  13. Andres Studer, Menschheitsverbrechen, Recht+Freiheit, 2 juin 2013, p. 13ss.
  14. « …des forces négatives (Washington, la CIA, et des groupes de pression) ont organisé l’invasion de l’Europe par des effectifs africains et asiatiques. Cela pour briser la résistance européenne au mélange racial et, par conséquent, pousser les peuples à la disparition. » Courrier du Continent, numéro 551, juillet 2013, p. 12.
  15. « Pour l’humanité blanche, ce fut une tragédie, un grand pas vers la disparition. » Courrier du Continent, numéro 552, p. 7.
  16. Action européenne, Courrier du continent, numéro 547, p. 7.
  17. Sylvia Stolz en Suisse. Courrier du continent, numéro 548, mars 2013, p. 11.
  18. Mariette Paschoud, Les nouvelles aventures, Le pamphlet, numéro 425, mai 2013, p. 4.
  19. Voir la Chronologie, Genève, 20 janvier 2013.
  20. Rafael Ben Nescher, Holocaust-Revisionismus: Ideologie oder Wissenschaft?, Hambourg 2011.
  21. La recension de Graf a été mise en ligne par plusieurs sites d’extrême droite, dont  http://globalfire.tv/nj/13de/juden/ben_nescher.htm, consulté le 5 janvier 2014.
  22. René-Louis Berclaz: « le paragraphe 4 de l’article 261bis est manifestement incompatible avec le paragraphe 49 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».
  23. Voir Commentaires du racisme.
  24. „… Serge Moati: « l’histrion holocaustique ». Robert Brasillach présenté par René-Louis Berclaz, Bulletin de l’Association des Amis de Robert Brasillach, numéro 126, hiver 2012/13, p. 21s.
  25. http://www.asin.ch/cantons.php?canton=ge, consulté le 5 janvier 2014
  26. Massimo Patanè, Le Mot du Président, Cahier numéro 24, avril 2013, p. 1.
  27. Voir également Hans Stutz, Des ennemis idéologiques communs. Tangram 32, Bulletin de la Commission fédérale contre le racisme CFR; décembre 2013, p. 82-84.
  28. Fabiano Citroni, L’extrême droite renonce à manifester ce samedi, Tribune de Genève, 25 mai 2013, p. 13.
  29. « …, il sera temps de découvrir en quoi ces artistes-là, et d’autres, sont véritablement non conformes, quelles relations ils entretiennent avec des individus aussi louches que Dieudonné, Kemi Séba ou Alain Soral, ce qu’ils pensent du patriotisme, de l’islam, du socialisme ou du sionisme ». http://davidlepee.com/2013/06/12/rap-et-business-qui-veut-sa-part-du-ghetto, consulté le 6 janvier 2014. Epée a publié deux assez longs textes sur les rappeurs « non conformes » dans le magazine français Rébellion, numéro 58 mars-avril 2013, et numéro 61, septembre-octobre 2013.
  30. D’autres extrémistes de droite se solidarisent avec Brunner, ainsi le groupe Genève Non Conforme. Egalement le groupe Facebook « Au grand jour », qui qualifie Brunner de « camarade ». Voir Hans Stutz, Genfer Antisemit im Knast, Tachles 5 juillet 2013, p. 10.
  31. « Le racisme antiblanc existe, (…). Cependant, (…), il est vrai que les populations étrangères vivant en Suisse sont encore largement majoritairement d’origine européenne.» Interview de Jean-David Cattin, http://fr.novopress.info/138926/jean-david-cattin-le-racisme-antiblanc-existe-aussi-en-suisse/
  32. Gauche du travail, droite des valeurs. Pour une réconciliation nationale.
  33. http://www.egaliteetreconciliation.fr/Dialogues-desaccordes-vu-par-un-politicien-suisse-21894.html, consulté le 6 janvier 2014.
  34. Hans Stutz, « Es ist mir eine Ehre », Die Wochenzeitung WOZ, 10 décembre 2009.
  35. 16 principes de communauté, http://mouvementfascio.blogspot.fr/, consulté le 6 janvier 2014.
  36. « Nous accordons une importance particulière au système monarchique et nous rejetons sur certains points la démocratie actuelle qui n’est que poudre aux yeux et qui maintient le mécontentement et le désaccord. » http://mouvementfascio.blogspot.fr/2013/07/qui-sommes-nous.html, consulté le 6 janvier 2014.