Extrémisme de droite en Suisse en 2009/2

Zurich, 31 Décembre 2009

«…à l’endroit où nous prendrons un jour le pouvoir »

L’extrémisme de droite en Suisse n’a guère attiré l’attention politique et médiatique en 2009, en dehors de la polémique au sujet de la marche lors de la fête de la lutte de Sempach. La question était la suivante : le canton en tant qu’organisateur de cette manifestation traditionnelle pouvait-t-il tolérer la marche des extrémistes ? Beaucoup de représentants des partis bourgeois ont tendance à ne pas prêter attention aux agissements de cette mouvance, voire à les qualifier d’anodins.

Durant l’année 2009, les activités des extrémistes de droite se sont concentrées dans le canton de Berne, d’une part dans la région de l’Oberargau, l’Emmental, d’autre part dans l’Oberland bernois, plus spécifiquement dans la région de Brienz à Spiez. L’Argovie et l’Emmental sont le rayon d’action de la section du PNOS Emmental, de la Ortsgruppe Langenthal et du groupe de musique « Indiziert ». On y trouve encore un lieu de rencontre, le « RAC-Café » (1) et la maison de diffusion « Neue Zeitwende ». Dans l’Oberland bernois, plus précisément dans la région de la Jungfrau, la section du PNOS est également très active. Y sont également établis la plate-forme de diffusion par internet du PNOS ainsi que la maison de diffusion de disques Holy-War-Records. La Helvetische Jugend y est également nouvellement active. Fin 2009 le site internet « Nationaler Beobachter Berner Oberland » a mis un terme à son activité. Toutes ces activités sont le fait d’un groupe peu nombreux de représentants, bien qu’ilsparviennent à mobiliser quelques centaines lors de manifestations.

Rien de neuf du côté des NSS, Corps Franc et « Freier Bote »

La section genevoise des Nationaux-socialistes Suisse NSS qui étaient apparus pour la première fois en automne 2007 n’a plus fait parler d’elle en 2009. Idem pour les Corps Francs/Frei Korps section de Fribourg. On sait en revanche que le Corps Franc était il y a quelques années un projet relativement important de l’activiste Blood&Honour Jonathan Leiggener, et qu’il avait été évalué comme représentant un risque potentiel par la sécurité intérieure. (2) Sur quels critères cette évaluation reposait-elle, c’est ce que la sécurité intérieure n’a pas révélé. Le bulletin « Freier Bote » a cessé de paraître, tandis que la dernière mise à jour de sa page internet date du 28 mai 2008.
L’action contre le viol d’enfants est restée sans lendemanins. La manifestation d’Aarau, initialement autorisée par les autorités a finalement été interdite. Les extrémistes de droite se sont saisis du thème du viol d’enfants dans le but de réintroduire la peine de mort. (3)

UDC et extrémisme de droite

Les campagnes d’affichage calomnieuses de l’UDC, qu’il s’agisse de l’interdiction de la construction de minarets, de l’exclusion des moutons noirs ou des pies voleuses ont attiré l’attention  hors de nos frontières et en particulier celle des partis d’extrême droite qui n’ont pas tardé à reprendre les motifs de l’UDC. (4) Ce mimétisme révèle les frontières fluctuantes entre la polémique sur les thèmes de la discrimination et de l’exclusion par le camp nationaliste-conservateur et les activités de l’extrême droite. Depuis plus de dix ans, les représentants de l’UDC comme Christoph Blocher et Christoph Mörgeli laissent entendre qu’il ne doit pas exister de force politique plus à droite que l’UDC. « Si les partis bourgeois font vraiment de la politique, il ne devrait plus exister d’autre parti sur leur aile droite » et « Lorsqu’on veut hériter, il faut se comporter de manière aussi agréable que la vieille tante testatrice » (Weltwoche 9.9.1999). Beaucoup d’extrémistes de droite interprètent les déclarations de l’UDC comme une forme de sympathie distante, tout en émettant des réserves en particulier en ce qui concerne l’énorme fortune de Blocher.

Cette année encore, certains représentants de l’UDC sont apparus lors de manifestations d’extrême droite à l’étranger. Par exemple le conseiller national valaisan Oskar Freysinger. Il a honoré le Vlams Belang néerlandais de sa présence début 2009. Quant au conseiller national jurassien Dominique Baettig, il s’est rendu mi-octobre (5) à un congrès de la mouvance d’extrême droite « Les Identitaires » dans le sud de la France. Le psychiatre y a été applaudi pour avoir affirmé que les minarets étaient des objets phalliques. Il avait déjà déclaré à ce sujet que l’initiative anti-minarets réclamait « une sorte de circoncision pour avoir la paix ». Suite à sa présence au congrès des Identitaires, le Quotidien jurassien signalait que Baettig avait fait partie du groupe d’extrême droite « Nouvel Ordre Social » durant ses études. A cette époque, Baettig était l’éditeur responsable du bulletin « Avant-Garde » et de ce fait responsable de la publication de toute une série de textes racistes, antisémites et proches de l’idéologie nazie. (6) Confronté à ce passé politique, l’élu UDC prétendait ne se souvenir de quasiment rien.

Andreas Glarner, le président du groupe UDC du grand conseil du canton d’Argovie n’était pas un des orateurs mais un membre de l’association « Pro Köln », mise sous surveillance par le « Verfassungschutz » du gouvernement allemand. « Pro Köln » dit d’Adreas Glarner qu’il est un des critiques de l’islamisme le mieux profilé. Toutefois l’activité de Glarner s’est limitée à quelques rares campagnes d’annonces du genre « Aarau statt Ankara » ou « Maria statt Scharia ».

Occasionnellement, les représentants de l’UDC recyclent des fragments de l’idéologie des extrémistes de droite. Cela a été le cas à diverses reprises pour Anian Liebrand, président des Jeunes UDC de Lucerne. Fin janvier 2009, il écrit dans un mail à ses collègues au sujet du jour consacré à la mémoire de l’holocauste. « Des nouvelles des institutions de rééducation. Au lieu d’altérer le lien de la nouvelle génération avec son pays sur le mode de la culpabilisation, il faudrait enfin que l’enseignement de l’histoire parle une fois des remarquables avantages de la Suisse ». (7) En automne Liebrand a diffusé un document modèle contre les demandes de naturalisation. Dans une lettre d’accompagnement publiée sur le site du comité indépendant PIKOM, (8) Liebrand parle de milliers de « Fremdvölker » (9) qui vont envahir la Suisse. Le terme de « Fremdvölker »  intraduisible en français, fait référence à une terminologie utilisée en Allemagne par les nazis. Quant à la « Umerziehung » ou « rééducation », c’est le terme que les anciens et néo-nazis utilisaient pour parler de la « dénazification » après la seconde guerre mondiale. Le parti des jeunes UDC du canton de Lucerne présidé par Liebrand s’était également opposé de façon virulente à ceux qui cherchaient à faire interdire la marche des extrémistes de droite à l’occasion de la fête de la lutte de Sempach. Début 2009, on a su que divers représentants de l’UDC, dont la conseillère nationale Yvette Estermann, avaient posé pour une photo en compagnie d’un néonazi lucernois, après une action sur la place publique contre la libre circulation des personnes. Le jeune lucernois portait sa devise tatouée sur la peau : « Meine Ehre heisst Treue », jadis un slogan des Waffen-SS.

Sécurité d’Etat et extrémisme de droite

Dans son « Rapport sur la sécurité intérieure de la Suisse», l’Office fédéral de la police déclare que la mouvance de l’extrémisme de droite a « peu évolué » (10) au cours des dernières années. Les extrémistes de droite sont devenus plus « sûrs d’eux » et se sentent « moins gênés » d’apparaître sur la scène publique. Ils affichent plus fréquemment leurs convictions et sollicitent les autorités pour des autorisations de manifester en se basant sur les droits civiques. Leur engagement ne se limite pas à la problématique des étrangers mais s’étend à des thèmes tels que « la maltraitance des enfants, la globalisation ou le 1er mai comme fête du mouvement ouvrier ». « La violence est en augmentation dans la mouvance skinhead et en particulier dans celle de Blood&Honour. »

Groupes de musique

Dans toutes les subcultures de jeunes, la musique joue un rôle d’identification et de valorisation, d’une part en tant que vecteur d’une certaine joie de vivre et, d’autre part, en tant que moyen de diffusion de messages politiques. (11) Les concerts servent à cimenter le groupe et à diffuser des messages politiques, surtout lorsqu’ils sont organisés par des skinheads néo-nazis, car on y trouve généralement des stands qui proposent aussi bien des enregistrements que des livres/brochures ainsi que d’autres articles typiques du mouvement. Jusqu’à la publication de l’arrêt du Tribunal fédéral concernant la norme pénale antiraciste et la notion d’événement “public” (12), la police et le juge d’instruction considéraient les concerts skinheads néonazis comme des manifestations privées, même s’ils réunissaient plus de mille personnes et si l’annonce du concert était accessible aux journalistes.

Au fil des années, divers groupes de musique relayant les idées de l’extrême droite sont apparus sur la scène musicale. Il y a dix ans c’était le groupe bâlois « Sturmtruppen Skinhead », plus tard le groupe de Hammerskins « Erbarmungslos ». Les membres du groupe lucernois « Dissens » étaient issus de la même mouvance. En 2009, seul le groupe « indiziert » se produisait encore en public. On a cessé de parler de « Vargr I Veum » et de « Amok ». La plainte pénale contre quatre membres du groupe « Amok » est toujours en suspens. Ils avaient composé en automne 2007  une chanson qui faisaient entrevoir à l’auteur de ces lignes une mort violente. Ils devaient faire l’objet d’une enquête au début de l’été 2008, mais jusqu’à fin 2009, les autorités responsables ne sont pas parvenus à clore l’enquête.

« Le sang doit couler, le sang doit couler… »

Pour la première fois depuis l’introduction de la norme pénale sur la discrimination raciale, les auteurs d’un concert de skins nazis passent devant le tribunal. Retour sur une procédure laborieuse.

Mi-septembre 2005. Les montagnes autour de Brigue sont calmes et silencieuses. Pour les skins néonazis la Suisse est le paradis des concerts, car la police, bien qu’elle contrôle parfois les arrivants, ne s’inquiète pas de savoir ce qui se fait dans la salle de concert. Des gens de la mouvance d’extrême droite vendant des CDs dont le contenu tombe sous le coup de la norme pénale, des groupes chantent des chansons racistes qui contreviennent à la loi. C’est ce qui s’est passé le 17 septembre 2005. Environ 400 extrémistes étaient réunis au Crazy Palace de Brig-Glis, tandis que la police était stationnée dehors. A l’intérieur, six groupes se produisaient. Le premier était le groupe « Amok » tandis que le dernier était le groupe haut valaisan « Hellvetica ».
Mais cette fois-ci, ce qui s’y passait a été divulgué dans les médias et la police cantonale valaisanne s’est retrouvée sous le feu de la critique. L’émission « Rundschau » de la télévision alémanique a documenté la chanson « Blutliedes » du groupe zurichois « Amok », laquelle déclare « Aiguisez les longs couteaux sur le bitume, plantez-les dans le corps des Juifs. Le sang doit couler à flots et nous déféquons sur cette république juive.»

L’enquête révèle rapidement les organisateurs de ce concert. Il s’agit des membres d’un réseau skinhead néonazi Bood&Honour du Haut-Valais mais également du canton de Vaud et de la Suisse alémanique. Ils étaient épaulés par des volontaires locaux qui s’occupaient de la caisse et du bar. Mais les musiciens demeurent inconnus, y compris de l’organe de la sécurité d’état. Deux ans plus tard (alors qu’entre temps le groupe Amok avait produit un enregistrement), les responsables de la sécurité intérieure écrivaient dans un rapport que « les membres du groupe de musique skinhead Amok n’ont pas été identifiés ». En mai 2008, la police cantonale lucernoise a réussi a combler cette lacune.
Mais cette information reste inconnue de l’enquête valaisanne. Jusqu’à la parution devant le tribunal, on n’a pas demandé aux autres groupes qui étaient les musiciens de « Amok » et du groupe allemand « Feldherren », qui selon le procureur étaient responsables de la chanson « Blutlied ». C’était commode puisque le groupe « Feldherren » était très éloigné des autorités d’enquête. Cela l’était également pour l’avocat Valentin Landmann qui dans le cas de Brigue défendait trois des organisateurs du concert. Il défend également les musiciens d’Amok et donc n’avait pas avantage à plus d’éclaircissements.

Le jugement. Le juge de Brigue Philipp Näfli a condamné tous les 18 prévenus pour infraction à la norme pénale contre la discrimination raciale. Il s’agissait des six organisateurs principaux, des membres de la mouvance Blood&Honour du Haut-Valais, mais aussi des volontaires qui se tiennent en marge de cette mouvance ou n’y appartiennent même pas. Tous, atteste Näpfli, avaient accepté l’éventualité que des propos racistes soient tenus durant le concert. Il y avait donc présomption de préméditation. Mais qu’en est-il des principaux organisateurs ? Silvan Gex-Chollet, le coordinateur principal de toute la manifestation a déclaré durant l’enquête que le groupe « Hellvetica » dont il fait également partie avait déjà joué le « Blutlied » lors d’un autre concert, en Italie. Cette chanson serait « presque un hymne et serait régulièrement chantée lors de ce type de concerts ». Cela semble donc de la préméditation et non pas une présomption de préméditation. La présomption ne concernait donc que les cinq ou six volontaires. Contrairement à la supposition du juge Näpfli, ce genre de manifestation n’est pas interdite en Suisse, et jusqu’ici on ne s’en doutait même pas. Le jugement de Brigue – quinze ans après l’introduction de la norme pénale sur la discrimination raciale – est le premier jugement contre les organisateurs d’un concert de skinheads nazis. De la dureté donc pour les volontaires et de l’indulgence pour les organisateurs responsables. Le vaudois Olivier Kunz, par exemple, actif depuis une quinzaine d’années dans le milieu, ne doit pas purger la peine prévue (12 mois de prison). Le juge Näpfli ne peut pas faire de pronostic, toutefois pour « raisons préventives spéciales » il prévoit la convertir en une peine privative de liberté absolue. Ces « raisons préventives spéciales » ne sont pas expliquées.

Ces « dispositions préventives spéciales » le juge Näpfli ne les explique pas.
Plusieurs des condamnés ont fait appel au tribunal cantonal. Le procès a eu lieu mi-novembre mais le jugement n’était pas connu le jour du délai rédactionnel.

Indiziert

Indiziert est actuellement la formation musicale la plus connue de ce milieu en Suisse et elle s’est déjà produite à plusieurs reprises à l’étranger. En 2009, le groupe ne s’est semble-t-il produit que deux fois. Une fois fin juillet lors du lancement de leur disque « Das riecht nach Aerger » et une seconde fois en septembre lors du mémorial ISD (13) à Vérone en Italie. Dans leurs nouvelles chansons les musiciens d’Indiziert parlent de « honte raciale » et de « trahison raciale », critiquent le « flot de sang-mêlé » et font des rimes du genre « Saalschlacht, Saalschlacht, die anderen werden plattgemacht ».

Organisations politiques

Pour la première fois depuis la défaite du parti national-socialiste en Allemagne, la Suisse abrite un parti d’extrême droite qui perdure depuis une décennie. Début septembre 2010, le PNOS fêtera en effet son dixième anniversaire. En Suisse romande, ce sont les Identitaires qui représentent une force politique. Ils sont liés à la mouvance française qui s’est constituée en parti en automne 2009.

Le parti nationaliste suisse (PNOS)

Environ 150 personnes se sont rassemblées par surprise devant le palais fédéral le 8 mars 2009. Le parti nationaliste suisse PNOS avait demandé aux autorités de Burdorf une autorisation de manifester contre la norme pénale sur la discrimination raciale. (14) Mais suite à l’annonce d’une contre-manifestation, le conseil communal n’avait autorisé finalement qu’une déclaration sur la place publique. Les organisateurs ont alors brusquement changé de programme et sont apparus sur la place du palais fédéral après une courte marche à travers la vieille ville. Sans obtenir beaucoup d’attention du public, Dominic Lüthard a le premier délivré son message : « Camarades, nous sommes rassemblés ici à l’endroit où nous prendrons un jour le pouvoir »

Quelques semaines avant cet événement, des membres du PNOS (entre autres Denise Friedrich, André Gauch, Michael Haldimann et Adrian Spring ) avaient été jugés pour infraction à la norme pénale contre la discrimination raciale, car ils étaient responsables de la publication sur leur site de la ligne politique du parti (modifiée dans l’intervalle), laquelle déclarait que c’était une erreur de penser « que chaque personne devrait avoir les mêmes droits dans chaque pays du monde ».

Le parti nationaliste Suisse PNOS est aujourd’hui une force politique incontestée pour le milieu des extrémistes de droite en Suisse alémanique, même si le parti n’est actif et organisé que dans les cantons de Bâle (en particulier Bâle campagne), Berne, Lucerne, Schwyz, à quoi s’ajoute le portail d’informations « Infoportal Aargau ». Cette formation politique ne dispose que d’un seul siège au conseil législatif de la ville de Langenthal. Fin 2009, le PNOS déclarait sur sa page internet qu’il pouvait « rallier plus de 300 membres à sa cause », une affirmation difficile à vérifier.

Le parti se réclame d’un « socialisme confédéral ». Il souligne les inégalités sociales présentes en Suisse, critique le capitalisme, tout en offrant des réponses tantôt nationalistes tantôt racistes à ces questions. Ainsi, le parti préconise l’interdiction «  des loges et des alliances secrètes », l’installation d’un « Staatsoberhaupt » (chef de l’Etat), dont la position vis-à-vis du Conseil fédéral et du parlement devrait être renforcée. Le gouvernement devrait être élu directement par le peuple pour une durée indéfinie. Le PNOS voit la Suisse comme une « entité culturelle et ethnique » et exige une politique des étrangers « tenant compte de principe ethno-pluralistes ». Cela signifie entre autres que les étrangers, originaires de cultures non-européennes ne peuvent qu’exceptionnellement obtenir la citoyenneté (et donc les droits politiques). Le PNOS exige en outre l’abolition de la norme pénale sur la discrimination raciale, critique les droits de l’homme dans leur prétention « universaliste » comme étant une « notion contraire à la nature humaine, parce qu’elle veut nier l’existence de peuples et  des cultures » (15).

Le bulletin du parti Zeitgeist a publié en 2009 des textes de membres du parti tels que Michael Vonäsch, Michael Haldimann, Denise Friedrich, mais également des contributions d’auteurs étrangers comme l’extrémiste de droite allemand Jürgen Schwab ou Reinhold Oberlercher. Des sympathies national-socialistes apparaissent occasionnellement. L’adjoint de Hitler, Rudolf Hess, y est loué comme un « martyre de la paix » et ceux qui « gardent l’héritage de Hess vivant » (16) sont remerciés. Parfois apparaissent aussi des interprétations révisionnistes de la seconde guerre mondiale selon laquelle c’était « l’intention des nations de l’ouest – France, Angleterre, Etats-Unis – de détruire l’Allemagne comme superpuissance et de la ramener à la situation antérieure à Bismarck. (17)

Fin 2009, le PNOS disposait de sections dans l’Oberland bernois, dans l’Emmental, à Bâle, Schwyz et Fribourg, quoi qu’on ne lui connaisse pas d’activité dans ce dernier canton. A cela s’ajoute des sections locales à Langenthal et Willisau. La section locale de Küssnacht am Rigi est devenue la section cantonale en automne 2009. Le portail d’information « Section Infoportal Aagau » continue d’exister. On peut y lire que « la fondation d’une nouvelle section du PNOS dans le canton d’Argovie est prévue pour l’été 2009 », mais que « pour éviter le renforcement de la droite nationaliste dans le canton », la police cantonale a « utilisé des méthodes fascistes comme la menace de violence, déportation, interdiction dans certaines zones et tentatives de manipulations ». L’éditeur-rédacteur responsable pour la page internet est Kevin Mareque de Windisch (AG), il œuvre également comme porte-parole du parti PNOS au niveau suisse.

Parmi les représentants du PNOS on trouve trois membres de la direction centrale du parti, Denise Friedrich (membre du Kampfbund Nationaler Aktivisten), André Gauch et Dominique Lüthard (également musicien du groupe « Indiziert »). Marco Gaggioli et Marcel Gafner sont au comité de la section de l’Oberland bernois, Philippe Eglin, Jasmine Eminger et Michael Hermann sont au comité de la section cantonale bâloise. Dans la section de Schwytz il n’y a qu’un membre, le « président » Dani Herger.  Denise Friedrich siège également toute seule au comité du groupe d’Emmental depuis que que Markus Martig a quitté la section locale aussi bien que le parti. A Willisau (Michael Vonäsch et Dani Wütrich) et à Langenthal (Dominique Lüthard, Raphael Würgler et Tobias Hirschi), les membres du PNOS sont un peu moins isolés.

Outre Markus Martig, d’autres membres du PNOS ont disparu de la scène dont les deux activistes de la section de Küssnacht am Rigi, Roland Renggli et Dani Schnurrenberger. Timotheus Winzenried qui avait été élu au conseil communal de Langenthal en 2008, a quitté sa fonction et le parti. Son successeur est en fait son prédécesseur, Tobias Hirschi, cantonnier de son état. La candidature du mécanicien au chômage de 46 ans Georg Jaggi, qui était candidat à la présidence du conseil de Langnau am Albis (18) a également un caractère anecdotique. Interrogé par le journal local il avait déclaré : « Je veux représenter la race allemande ». (19) Le PNOS n’a pas de section à Zurich ni à Langnau. Les quinze voix nécessaires pour se porter candidat, Jaggi les a réunies en faisant du porte-à-porte et en présentant ses idées. Après quelques hésitations, le PNOS s’est distancé de Georg Jaggi dont les idées ne rejoignent pas la pensée moderne du PNOS. A savoir, le PNOS ne se réclame plus du racisme biologique mais s’appuie sur la conception culturaliste du racisme de la nouvelle droite.

Identitaires de Romandie et Identitaires genevois

Dans les pays de l’Europe francophone, une nouvelle mouvance s’est développée au sein du camp d’extrême droite qui se nomme les « Identitaires » et en appelle à une « identité européenne et blanche » tout en se positionnant contre l’immigration en provenance des autres continents. En France, un groupuscule de militants « Les Identitaires » s’est formé et s’est fait remarquer par des actions spectaculaires. En 2009, les Identitaires de Romandie ne se sont pas manifestés. La section genevoise est en revanche très active. Après s’être appelée quelque temps « Les Jeunes Identitaires Genevois », ils s’appellent désormais « Jeunesses Identitaires de Genève ». Deux de leurs représentants Jean-David Cattin et Benjamin Perret sont également actifs en France. Jean-David Cattin était co-responsable du « Camp Identitaire 2009 » qui s’est déroulé à la mi-août dans la région parisienne. Depuis février 2009, Cattin était « secrétaire général » des « Identitaires ».

Les Identitaires veulent non seulement enrôler les esprits mais également les corps. Ainsi s’exercent-ils durant ces camps à diverses techniques de combat. Peu avant Noël, un participant genevois s’est exprimé lors d’un meeting interne sur le thème la vie est un combat : « La vaillance, la détermination, l’abnégation, démontrée par les combattants tout au long de cette journée symbolisent parfaitement l’état d’esprit de cette autre jeunesse que les Jeunes Identitaires incarnent. Une jeunesse bien décidée à forge elle-même son avenir. » (20)

Les « Jeunes Identitaires genevois »  s’unissent autour d’un discours qui reprend les thèses de la « Nouvelle Droite » d’inspiration raciste, à savoir que les Identitaires n’ont rien contre les autres peuples ou religions (Islam), pour autant que ces derniers demeurent dans leurs régions d’origine. Les «racistes» sont ceux qui cherchent à «gommer les différences». (21) En conséquence, les Jeunes Identitaires proposent « de stopper immédiatement l’immigration légale qui n’est pas européenne, fixer un moratoire dans le domaine de l’asile et procéder à l’expulsion immédiate des clandestins ».

Groupements à la périphérie du PNOS

Dans le sillage du PNOS se trouvent diverses « Kameradschaften » (camaraderies), dont les membres sont aussi actifs au sein du PNOS. Il y a par exemple la Helvetische Jugend avec sa section dans l’Oberaargau et l’Oberland bernois ainsi que le Waldstätterbund, actif dans les cantons d’Uri, Schwyz et Unterwalden.

Helvetische Jugend

La principale apparition de la Helvetische Jugend en 2009 a été sa participation à la marche des extrémistes de droite lors de la fête de la lutte de Sempach. Le service d’ordre des extrémistes de droite portait, comme l’année précédente, des T-shirts de la Helvetische Jungend. Avec des étoffes fixées sur des bâtons, ils ont tenté d’empêcher le travail des photographes et des cameras. Sinon les activités de la HJ étaient peu visibles. La page internet ne contenait pas d’information sur des activités propres. Le « Nationaler Beobachter Berner Oberland » a annoncé la fondation dans l’Oberland bernois d’une section de la Helvetische Jugend. « Ainsi la relève de la HJ dans l’Oberland sera intégrée et dépendra politiquement des sections locales du PNOS. D’autre projets comme l’envoi de CDs et la page NB-Oberland.ch demeurent indépendantes et servent avant tout au financement de nos activités et projets politiques ».

La Helvetische Jugend a parfois des contacts avec l’étranger. Mi-septembre 2009, un car rempli de nationalistes s’est rendu, selon leur site, dans la petite ville de Pössneck à la « fête des peuples », organisée par le NPD. L’argovien Pascal Trost s’est exprimé comme délégué suisse. Ce dernier a d’abord été actif auprès du parti de la liberté, puis des Jeunes UDC, jusqu’à ce qu’on lui demande quitter ce parti.

La Helvetische Jugend a été créée début juillet 2004 dans la région d’Oberaargau (Langenthal et région) dans le canton de Berne. Parmi ses buts figurent sur sa page internet “la fin du multiculturalisme”, grâce entre autre à “l’expulsion d’étrangers dangereux et la limitation du nombre d’étrangers” sur le territoire suisse. Plus loin il est question de “l’internement pour les demandeurs d’asile” et d’une “meilleure éducation plus neutre dans les écoles suisses » (où il faudrait cesser toute propagande en faveur de Lénine et de Staline et séparer les élèves parlant allemand de ceux qui ne le parlent pas). Enfin, il faudrait mettre un terme à la « désinformation gauchiste et à la terreur des médias, car il faut plus de journalistes neutres ».

Waldstätterbund

La révolution française, la liberté, l’égalité, la fraternité sont intolérables pour les extrémistes de droite et pour les activistes du Waldstätterbund (WB). Mi-septembre 2009 le WB a mobilisé environ trente personnes pour une déclaration concernant l’invasion des français dans le canton de Nidwald. Le porte-parole du WB Dani Herger a appelé à « la destruction du libéralisme et de sa fausse tolérance ». (22) Les membres du WB ont participé à une manifestation du PNOS contre la norme pénale sur la discrimination raciale (23) et à la marche des extrémistes de droite à Sempach. (24) La marche des extrémistes de droite de Morgarten (25) a été organisée par le Waldstätterbund.

Le Waldstätterbund a été fondé début mai 2008. En fait partie la Kameradschaft d’Uri, qui existe depuis longtemps, ainsi que la Kameradschaft de Schwyz fondée en octobre 2008 ainsi qu’une section d’Unterwald. Le WB se considère comme un «groupement de tous les jeunes qui ne sont plus prêt à tolérer les injustice sociales dans leur ville et leur région sans faire quelque chose ». Parmi les objectifs du WB figure «une économie sociale locale au lieu de la dictature du capitalisme. A bas l’impérialisme économique américain, à bas l’illusion du monde unifié (one world) ». Il considère aussi que « l’immigration n’est pas une richesse, elle conduit à la destruction irrévocable des peuples et des cultures ». Le seul représentant connu de cette mouvance est Dani Herger, devenu dans l’intervalle le président du PNOS région Schwytz.

National Beobachter Oberland/Nationale Sozialisten Berner Oberland

Fin 2009, la page du „Nationaler Beobachter Oberland“ a décidé de fermer en raison de „manque de temps et aussi de manque d’intéret de la part des membres“. Les informations concernant les activités de la région seront désormais relayées par la section régionale de la Helvetische Jugend.

Depuis l’été 2008, le Nationale Beobachter Oberland est apparu sur internet, réalisé par un groupe de « nationaux socialistes de l’Oberland bernois ». Son but est la « libération  des gens de ce système d’exploitation capitaliste». Ils voient leur activité « politico-culturelle » comme une évidence pour maintenir l’indépendance d’une région chère à leur cœur et qui habitée, animée et gouvernée par son peuple. «Nous nous reconnaissons comme nationaux socialistes, mais ne craignons aucunement le contact avec le public. Celui qui ne veut pas débattre avec nous, nous l’obligeons justement à débattre». Sur la page d’accueil du Nationaler Beobachter Oberland apparaissent régulièrement des textes sur des concerts ou des manifestations des extrémistes de droite. Le membre le plus actif est Mario Friso, déjà engagé précédemment dans le Bund Oberland et le PNOS.

Kampfbund Nationaler Aktivistinnen KNA

Les femmes ont de la peine à faire entendre leur voix dans la mouvance d’extrême droite, et elles y jouent le plus souvent un rôle subalterne. L’activité du Kampfbund Nationaler Aktivistinnen KNA n’était pas visible en 2009, si ce n’est par sa page d’accueil régulièrement actualisée, invitant à participer aux marches de Sempach et du Grütli et défendant par ailleurs une vision de la famille traditionnelle. Le discours du KNO n’échappe pas à une certaine contradiction.
D’une part, il souhaite des femmes indépendantes qui participent à la « lutte nationale contre l’asservissement des peuples par le capitalisme », mais qui continuent, selon une vision traditionnelle, à occuper leur rôle de femmes et de mères. Une famille intacte est pour le KNA « le plus grand des bonheurs ». Et d’une manière générale, « les femmes sont supérieures aux hommes dans le domaine de l’empathie, de la compréhension, de la communication et de la responsabilité, l’ordre et l’endurance ». Le KNA déclare que le féminisme est « l’ennemi des femmes », et « de loin dépassé ». « Nous devons encourager une nouvelle féminité émancipée et arrêter l’extinction de la race. »

Le KNA a été créé en juillet 2007 (26). L’unique porte-parole de ce groupe a été pour l’instant Denise Friedrich, membre du comité directeur du PNOS. Début 2008, le KNA a déclaré qu’il voulait « élargir le cercle des activistes, pour atteindre si possible un large public.» Cet objectif ne semble pas avoir été atteint.

Groupements sans liens avec le PNOS

Heimatbewegung

Bien que le groupement existe depuis plusieurs années, il n’a pas fait parler de lui en dehors de sa présence sur internet et de la participation de certains de ses membres à la marche organisée en marge de la fête de la lutte de Sempach. Fin 2009, la Heimatbewegung a annoncé que ses sympathisants et activistes se réunissaient mensuellement pour « planifier des actions concrètes comme des tracts, des manifestations et pour nouer des contacts amicaux entre eux». La première rencontre devait avoir lieu mi-janvier dans la région zurichoise. Selon un livre des visiteurs, il y aurait aussi eu une rencontre avec allocution le 26 novembre 2009 et des préparatifs pour une fête du solstice d’hiver.

Par ailleurs, la Heimatbewegung, fondée en 2004 ou 2005 – joignable via une boîte postale à Dübendorf – ne s’est pas manifestée publiquement. La Heimatbewegung vise la dissolution de la Suisse quadrilingue, car elle défend en priorité les intérêts et la survie de la “population alémanique”, à savoir “pour un Etat populaire représentant les limites actuelles de la Suisse alémanique”. Sinon, les points principaux du programme sont – comme c’est généralement le cas pour les groupements d’extrême droite – le soutien à la Suisse rurale, le rétablissement de la peine de mort, l’abolition du droit d’asile, le frein total à l’immigration, l’interdiction de toute forme d’intégration des étrangers ainsi que l’arrêt complet des procédures de naturalisation.

Activités politico-culturelles

Divers activistes et organisations se réclament d’une idéologie d’extrême droite mais ne participent pas forcément à la politique institutionnelle et ne se présentent pas aux élections. Ils s’occupent de promouvoir leur idéologie par un travail de formation et de réseautage. On peut citer ainsi le cercle Avalon ou Gaston-Armand Amaudruz avec son journal le Courrier du Continent, mais aussi le couple vaudois Paschoud avec son journal Le Pamphlet.

Le Cercle Avalon

Fin mars 2009, le Cercle Avalon a organisé à Soleure une conférence sur l’adjoint d’Hitler Rudolf Hess, d’après une mention faite de cet événement dans le Courrier du Continent (27) de Gaston-Armand Amaudruz. L’assassinat de Hess par les Anglais avait été «préparée de main de maître » écrit Amaudruz. D’habitude, la société Avalon s’arrange pour qu’aucune information ne filtre concernant ses activités, hormis les informations disponibles sur sa page internet. Ces rencontres réunissent de jeunes Skinheads avec des tendances d’extrême droite avérées ainsi que des négationnistes.

Le « primus» de la société Avalon, Adrian Segessenmann, né en 1979, est un activiste de longue date dans les milieux d’extrême droite. En 1995, à l’âge de seize ans, il avait déjà participé avec un groupe de Skinheads, à une agression lors d’un «Festival pour la compréhension entre les peuples» à Hochdorf. Au printemps 1999, il avait organisé avec Roger Wüthrich une conférence sur les Waffen-SS, qui avait amené le Tribunal fédéral à redéfinir le «caractère public de l’acte» relatif à la norme pénale sur la discrimination raciale : est public tout ce qui ne se déroule pas dans un cadre privé. Mi-septembre 2008, il s’est exprimé lors de la « Fête des peuples» à Altenburg/Allemagne. Il est l’un des rares extrémistes de droite en Suisse à être reconnu à l’étranger.

Le Cercle Avalon a été créé en 1990 par Roger Wüthrich, précédemment dirigeant de la “Jeunesse Viking suisse” et par Andreas Gossweiler, actif à l’époque dans divers mouvements d’extrême droite. (28)

Les « Notices » de Max Wahl

En 2009, Max Wahl a publié au moins quatre de ses «notices» pour «un cercle d’amis et d’anciens abonnés au Eidgenoss». Ce serait, comme il le dit dans son éditorial « seulement pour conserver ses relations ». De l’été 2006 à 2009, la quasi intégralité des notices ont été reprises et publiées en format pdf sur le site d’un antisémite allemand, amateur de théories de la conspiration. Difficile à dire si Max Wahl, qui a aujourd’hui 86 ans, a mis un terme à son activité de calomniateur ou a renoncé à la diffuser. Pour le reste, ses thèses sont restées les mêmes. Wahl veut blanchir l’Allemagne nazie de la culpabilité de la guerre (« La guerre de la Pologne contre le Reich allemand »), (29) il déclare que l’Allemagne est un pays occupé actuellement par « les suppôts du régime Merkel, dont les acteurs ne peuvent même pas prouver leur appartenance au peuple allemand par leur passeport. (30) Rien n’a donc changé. Il y a quelques années, l’écrivain Peter Stamm de Winterthur écrivait au sujet de Max Wahl et de son Eidgenoss (à l’époque où ce dernier avait suspendu la publication du Eidgenoss en raison de la norme pénale sur la discrimination raciale) que : « Ces dix dernières années le Eidgenoss est plus un bulletin de santé qu’un journal. Wahl y parle presque exclusivement de la seconde guerre mondiale. Dans sa paranoïa progressive, il parle de la « déclaration de guerre des juifs à l’Allemagne » à partir de 1933, de la « croisade pour l’américanisation et le bolchévisme avec du matériel de guerre et l’aide de traîtres allemands ». La déportation des juifs et selon lui un mensonge. A son avis Hitler avait un talent créatif et « une vision qui allait bien au-delà de son temps ». Les néonazis sont selon lui « déguisés par les médias pour être envoyés dans la rue pour y être filmés et photographiés ». (31)

Max Wahl (32), né en 1923, fondateur en 1975 de la Eidgenössich-Demokratischen Union EDU, avait cessé officiellement de publier son cahier « Der Eidgenoss » fin 1994, lors de l’entrée en vigueur de la norme pénale sur la discrimination raciale. Il continue cependant à s’adresser aux antisémites, aux ennemis de la franc-maçonnerie et aux amateurs de conspirations, comme par exemple ces  excentriques qui rêvent des disques volants allemands, qui auraient soi-disant été sauvés par des nazis convaincus dans les derniers jours de la deuxième guerre mondiale et qui désormais attendent sous la terre dans un lieu appelé « Neuschwabenland » la renaissance d’un Reich nazi (33).

Le « Courrier du Continent » – Gaston Armand Amaudruz

Le contenu de ce pamphlet est le même depuis des années. Dans la partie “bloc-notes”, Amaudruz tire des citations des journaux qu’il assortit de commentaires sardoniques. Mais dans cette rubrique, il donne également des informations (y compris adresses) de nouvelles publications de l’extrême droite et de ce fait contribue à la mise en réseau de ce milieu. Puis viennent des rubriques habituelles sur la “criminalité” ou sur la “Lois-baillon” (c’est ainsi qu’Amaudruz désigne la norme pénale suisse sur la discrimination raciale). La dernière page est occupée par l’article principal, dans lequel il propage ses vues racistes, antisémites et ses idées négationnistes. Ce type de commentaires a valu à Gaston Armand Amaudruz deux séjours de trois mois en détention voici quelques années. Le Courrier du Continent publie en outre quelques textes de collaborateurs.

Le Courrier du Continent est paru pour la première fois en 1946 et est rédigé et publié depuis une cinquantaine d’années par le fasciste lausannois Gaston-Armand Amaudruz. Pendant des décennies, ce cahier était l’organe officiel de NOE, une petite organisation raciste dont Amaudruz était l’un des principaux animateurs. Le Courrier du Continent continue à être publié aujourd’hui à quelques centaines d’exemplaires.

Recht + Freiheit – Ernst Indlekofer

Officiellement, Recht+Freiheit est publié par un certain Presseclub Schweiz, mais de facto c’est bien le bâlois Ernst Indlekofer, (34) désormais âgé de presque septante ans, qui est principalement responsable de ce cahier d’une dizaine de pages par édition. Il y a généralement cinq éditions dont quatre numéros doubles. Outre la signature de Doris Auerbach, on recense principalement des hommes comme Max-P. Morf et le négationniste Bernhard Schaub, Albert Lämmel de nationalité allemande, Winifred Dentler, Rigolf Henning, Gerd Schultze-Rohndorf et Gerhard Spannbauer. Recht + Freiheit a en outre publié deux discours du président de la République islamique d’Iran.

Cette année encore, l’éditeur a convoqué les membres de son association à une « assemblée générale » le 29 août 2009 et comme précédemment les membres devaient au préalable demander leur « carte d’entrée personnelle ». (35) Comme les années précédentes, rien n’a filtré dans les médias de cette assemblée générale.

Le pamphlet – Mariette et Claude Paschoud

Rien de nouveau au sujet du bulletin « Le pamphlet » qui paraît dix fois par année et présente sur quatre pages des articles d’opinion sur des thèmes communs à la droite bourgeoise. Mariette continue à diffuser des messages de sympathie aux négationnistes, quoique de façon moins fervente que par le passé. Avant Noël, elle a appelé les lecteurs à écrire aux négationnistes qui doivent passer les fêtes de Noël « derrière les barreaux ». (36) Outre le couple Paschoud, Michel Preux contribue également au Pamphlet sous des pseudonymes comme Pollux, Max l’Impertinent, le pinailleur ou Louise Cougnard.

Fondé par Claude Paschoud, le Pamphlet paraît depuis 1970. Le feuillet a connu par moment une diffusion plus importante, atteignant 2’000 exemplaires. C’était en 1986, à l’époque où Mariette Paschoud, enseignante dans le secondaire, était apparue aux côtés du négationniste Henri Roques lors d’une conférence de presse à Paris où il avait, selon Mariette Paschoud, « apporté une contribution sérieuse, objective et importante à la recherche de la vérité » concernant l’holocauste. Roques niait simplement l’existence des chambres à gaz en étayant ses affirmations sur l’existence de sources sûres.

Portails d’information

En Suisse, les portails d’informations diffusent avant tout des communiqués d’organisations qui se considèrent comme faisant partie de cette mouvance. Les articles originaux ou les prises de positions sont rares. Le portail « AlterMedia Schweiz : Freie Stimme » n’a presque plus d’activité. Il n’y a eu qu’une seule contribution au cours de l’année 2009 : le discours du président du PNOS de Bâle, Philippe Eglin : « Le mur est tombé : la surveillance s’est maintenue ». L’allocution se terminait de façon pathétique : « Nous lutterons jusqu’à la dernière goutte de sang, pour une Europe et un pays libre. Les nationalistes libres ne se laissent pas mettre sous le joug. Nous allons nous lever et détruire ce système. »

Altermedia Suisse/Novopress.info Suisse

Le site Novopress.info fonctionne de la même manière que le portail gauchiste « Indymedia » et le site d’inspiration raciste AlterMedia. Il est géré par des personnes inconnues, comporte des liens avec l’étranger et s’oriente contre les médias traditionnels en adoptant un point de vue de droite contrairement à Indymedia. Il veut combattre la pensée unique et l’information dominante, deux notions développées par la nouvelle droite. Le site est enregistré sous le nom de Fabrice Robert, un représentant des Identitaires français. On ignore qui gère la partie helvétique du site. Novopress Suisse diffuse avant tout des rapports de tiers, comme par exemple les communiqués de presse de l’UDC et des Identitaires genevois, ainsi que des commentaires provenant de blogs de journalistes de droite comme Philippe Barraud (« commentaires.com »). Les textes publiés se rapportent souvent aux thèmes de prédilection des milieux nationalistes et conservateurs (Nouvelle Droite), à savoir l’immigration, l’islam et la criminalité.

Négation de l’Holocauste

Les négationnistes nient trois faits historiques avérés: premièrement qu’un plan destiné à éliminer les juifs d’Europe ait été élaboré, deuxièmement que des chambres à gaz aient été construites pour éliminer les victimes et, troisièmement, que la persécution des juifs par les nazis se soit soldée par la mort de plusieurs millions de victimes.

En Suisse, comme dans beaucoup d’autre pays, les négationnistes ne se sont plus guère manifestés en 2009. De fait, les négationnistes sont en crise depuis plusieurs années, parce que leur déclarations se sont mise à tourner en rond et que beaucoup de leurs représentants comme Germar Rudolf, Ernst Zündel ou Horst Mahler ont été condamné à des séjours d’une durée plus ou moins longue en prison, lorsqu’ils ne se soient pas soustraits à leur peine en fuyant à l’étranger comme le bâlois Jurgen Graf. Malgré cette crise et le manque de relève, les négationnistes ont répandus leurs vues niant ou du moins minimisant l’holocauste dans l’ensemble de la mouvance d’extrême droite.

Jürgen Graf

Le plus connu des négationnistes suisses, Jürgen Graf, vit toujours à Moscou. Il a publié deux textes en 2009. L’un est un règlement de comptes avec l’historien très controversé David Irving, admirateur d’Hitler, l’autre est une conférence que Graf a tenue mi-avril 2009 devant 21 auditeurs dans le cadre d’une « Université privée» fondée à Moscou par le politicien de droite aux allures troubles Wladimir Schirinowski. Graf y reprend ses thèses habituelles à savoir que « l’ouest a adopté une nouvelle religion d’état, la religion de l’holocauste ». Il mentionne qu’il a d’abord été athéiste, puis qu’il est devenu chrétien (les rumeurs concernant son appartenance à une obscure secte chrétienne ne sont pas confirmées). Graf s’est également manifesté en Russie en publiant en langue russe un ouvrage portant sur la banqueroute du nouvel ordre mondial (Krach mirowofo porjadka). Son influence dans les milieux d’extrême droite en Suisse est donc très réduite.

Il existe toujours un comité de soutien au négationniste français Vincent Reynouard joignable via une case postale à Montreux. On ne connaît pas d’autre activité à ce comité en Suisse, hormis de rares nouvelles sur les procès des (présumés) négationnistes suisses.

Bernard Schaub

Fin octobre 2009, Bernard Shaub a opéré une réapparition lors du congrès de la coalition anti-censure (AZK) organisé par le sectaire Christe Yvo Sasek, Schaub s’est exprimé sur le thème « Qui profite de la loi anti-raciste ? » devant plusieurs centaines de personnes.
Son allocution lui a valu quelques bravos, des sifflements et quelques huées. Schaub s’est exprimé contre la notion d’égalité comme faisant partie intégrante des droits humains, la démocratie, le mélange des races et a justifié l’antisémitisme. La norme pénale sur la discrimination raciale mène à ce qu’une certaine posture, qui se considère comme meilleure, empêche toute discussion critique. Il a décrit Sigi Feigel, ancien président d’honneur de la Communauté israélite de Genève comme un « type arrogant », un petit « leader sectaire ». Il a également commenté la rencontre entre Sigi Feigel et Christoph Blocher précédant les votation sur la norme pénale sur la discrimination raciale (37) avec la remarque suivante : « Qui est-ce qui tient qui? Est-ce le chien qui remue la queue ou la queue qui remue le chien ? Sigi Feigel remue Christoph Blocher, l’Etat d’Israël remue les Etats-Unis d’Amérique ». Schaub a été applaudi à plusieurs reprises pour ses diatribes antisémites. Yvo Sasek l’a félicité lors de son départ pour son « discours courageux ». Lors de l’accueil, il avait déclaré que Schaub était doublement victime de la « calomnie sans précédent des médias ». Quelques semaines plus tard, Sasek a diffusé une vidéo des discours tenus.

Schaub diffuse sur sa page interne – et aussi via un partenaire allemand – une demie-douzaine de brochures. La collection s’appelle Ghibellinum-Bücherei, avec des titres comme « Europa », « La nationalité allemande », mais également sur les danses folkloriques, la « santé nordique », la « physique allemande ». Pour Schaub les « loi raciales de Nürenberg » sont toujours valables (38) et donc les juifs n’appartiennent pas au peuple allemand. Dans l’ensemble, les diverses brochures reflètent la représentation du monde de Schaub inspirée du national-socialisme.

Hans Stutz
Lucerne


(1) RAC est l’abréviation de Rock contre le communisme, utilisée fréquemment par les milieux musicaux rock diffusant l’idéologie de l’extrême droite
(2) Hans Stutz : Rechtsextremer, Waffenfreund, Strippenzieher. Rote Anneliese no 207, avril 2009, p. 14ss.
(3) Voir chronologie Appenzell, 13 octobre 2007
(4) L’affiche des moutons noirs et blancs a été reprise par le parti national-démocrate allemand (NPD), la Demorcracia National espagnole et la Lega du Nord italienne. Voir les illustrations dans « Racisme en Suisse » édition 2007, p. 17.
(5) « Les minarets sont des objets phalliques, on demande une sorte de circoncision pour avoir la paix », voir chronologie Orange/France, 17 octobre 2009.
(6) Hanz Stutz, « Es ist mir eine Ehre », la Wochenzeitung WOZ, décembre 2009, p. 1 et 3.
(7) Voir chronologie Beromünster LU, 27 janvier 2009.
(8) Le comité indépendant PIKOM a été fondé il y a quelques années par Philippe Müller, initiant de l’initiative des 18 % d’étrangers et aujourd’hui conseiller national radical-libéral. Il a néanmoins quitté le comité et a été remplacé par le parlementaire cantonal bernois Thomas Fuchs. Suite à la publication par Liebrand de ce document modèle, le vice-président du PKOM, l’avocat argovien Peter Homberger, a annoncé son retrait immédiat du comité.
(9) Voir chronologie Aarau, début décembre 2009.
(10) Rapport sur la sécurité intérieure de la Suisse, mai 2009, p. 42.
(11) Tour d’horizon complet et bien documenté de la scène du rock d’extrême droite dans Christian Dornbusch, Jan Raabe (Hg.), RechtsRock – Bestandsaufnahme und Gegenstrategien (Rock de droite – Etat des lieux et contre-stratégies), Hambourg/Münster, 2002
(12) Arrêt du Tribunal fédéral 6S.318/2003, publié sous ATF 130 IV 111ss.
(13) ISD sont les initiales de Ian Stuart Donaldson principal fondateur du mouvement Blood&Honour.
(14) Hans Stutz : PNOS darf demonstrieren, Der Bund, 26 février 2009. Voir aussi chronologie Burgdorf/BE, 8 mars 2009. L’allocution de Michael Vonäsch est publiée dans le Zeitgeist sous le titre „Die geistigen Fesseln sprengen!, mars 2009, p. 3ss (Le mois de mars porte par mégarde l’inscription février).
(15) Toutes les citations de ce paragraphe proviennent du « Programme du PNOS – pour un avenir social et confédéral ».
(16) Der Zeigeist, septembre 2009, p. 23.
(17 Willi Märki (éventuellement un psoeudonyme): Die Weltkriege, Der Zeitgeis, mars 2009, p. 9 (cette édition indique par mégarde le mois de février).
(18) Lukas Nussbaumer, membre du PNOS déclare „Elisez-moi, je suis au chômage », Tagesanzeiger, 23 décembre 2009, p. 15.
(19) Olivier Lutz: „Ich stehe zu meiner rasistischen Gesinnung“, dans Zürichsee-Zeitung district de Horgen, 23 décembre 2009.
(20) Communiqué du 21 décembre 2009.
(21) « En revanche, nous considérons comme racistes tous ceux qui cherchent à gommer les différences – et donc la diversité ethnique et culturelle qui fait la richesse de notre planète. » Publié sur le site internet le 13 janvier 2010.
(22) Voir chronologie Stans NW, 11 septembre 2009.
(23) Voir chronologie Burgdorf BE/Berne, 8 mars 2009.
(24) Voir chronologie Sempach LU, 27 juin 2009.
(25) Voir chronologie Morgarten ZG, 14 novembre 2009.
(26) Voir chronologie Welschenrohr SO, 21 juillet 2007.
(27) Courrier du Continent, no 510, mai 2009, p. 9.
(28) Voir Urs Altermatt/Hanspeter Kriesi : Rechtsextremismus in der Schweiz, Zurich 1995, p. 47 ss, et Peter Niggli/Jürg Frischknecht: Rechte Seilschaften, Zurich 1998, p. 58 ss.
(29) Notices (82) 31.08.2009, p.1.
(30) Notices (82) 31.08.2009, p.1.
(31) Peter Stamm: Heiliger Bimbam. Des „Eidgenoss“ ist tot, Nebelspalter 16 janvier 1995, mais encore www.peterstamm.ch/index. php?n=37&p=112 (entrée du 27 décembre 2009)
(32) Sur Max Wahl, voir Jürg Frischknecht, „Schweiz – wir kommen“. Die neuen Fröntler und Rassisten, Zurich, 1991, p. 121-123, mais aussi Fischknecht/Niggli/Haldimann, Die unheimlichen Patrioten, édition augmentée 1984, p. 746ss.
(33) La plupart des notices à partir de 2006 ont été publiées sur un site allemand de conspirateurs, souvent comme mauvaise copie.
(34) Sur la personne et l’action d’Ernst Indlekofer, voir Jürg Frischknecht : Politischer Hardcore, Klartext 2/1998
(35) Recht+Freiheit, numéro double 5/6, août 2007, p. 4
(36) Mariette Paschoud, Les nouvelles aventures …, Le pamphlet, no 390, p. 3.
(37) Voir résumé de Sigi Feigel dans la NZZ du 14 décembre 2003.
(38) Bernard Schaub : Der Staat der Deutschen, Ghibellinum-Bücherei 2. Dans le chapitre „Le Reich allemand peut renaître“ Schaub écrit que la nationalité allemande est facile à déterminer. Elle comprend tous ceux qui en mai 1945 possédaient la nationalité ou la bourgeoisie selon les lois sur la nationalité datant du 15 septembre 1935, ainsi que tous leurs descendants. Exactement comme tous les accords et traités conclus par la Bundesrepublik sont nuls et non avenus, de même il n’existe pas de citoyenneté de la Bundesrepublik, et encore moins de citoyens naturalisés ». (Page internet de Bernhard Schaub le 30 décembre 2009).