Commentaire 2017: Le racisme en Suisse

Zürich, 01 Février 2017

Discours haineux et discrimination

Le racisme, la xénophobie et la discrimination sont des phénomènes impossibles à mesurer au moyen de chiffres exacts. On peut cependant observer des tendances au fil des années. C’est particulièrement vrai pour le racisme sur Internet, un phénomène également connu sous l’appellation «discours haineux», ou «hate speech» en anglais, et qui a connu une forte augmentation ces 15 dernières années. Il semble que les utilisateurs se sentent parfois complètement libérés des conventions sociales et règles de bienséance, et jurent et injurient gaiement, le plus souvent en utilisant leur vrai nom ou profil sur les réseaux sociaux. En raison du supposé anonymat sur Internet, on a beaucoup moins de scrupules à dire certaines choses. Beaucoup oublient encore souvent qu’Internet n’est pas une zone de non-droit.

En raison de cette évolution, la question de la manière de traiter les commentaires haineux sur les articles en ligne se pose de plus en plus souvent aux entreprises de médias. La GRA a interrogé différentes rédactions et a abouti au constat suivant: «20 minutes» et la «Südostschweiz» misent sur la relecture des commentaires. Les commentaires publiés sur «suedostschweiz.ch» entrent dans une file d’attente et ne sont activés qu’après une vérification. En outre, la «Südostschweiz» tient à ce que les auteurs ne se cachent pas derrière des pseudonymes. Chez «20 minutes», les commentaires sont également vérifiés, surtout pour les sujets sensibles. Toutefois, le problème de cette méthode est que l’évaluation des commentaires dépend fortement du relecteur ou de la relectrice. Et il faut également mettre en doute le fait qu’il soit réellement possible de relire tous les commentaires.

Le «Aargauer Zeitung» a mis au point une stratégie différente pour gérer le courrier des lecteurs. La rédaction essaie de «sauver» les contributions au contenu intéressant mais qui contiennent sporadiquement des termes sensibles en supprimant ou remplaçant lesdits termes.

Le «Neue Zürcher Zeitung» a opté pour la procédure suivante: depuis février 2017, la section «commentaires» n’existe plus pour la plupart des articles. Chaque jour, il n’est possible de débattre que sur trois textes, et la discussion est modérée et animée par le NZZ. Il mise ainsi sur le débat plutôt que les insultes.

Ce bref sondage indique que les journaux ont reconnu le problème des discours de haine et essaient aussi d’y pallier. La question est toutefois délicate et certaines manières de procéder comportent le risque que la suppression à la légère soit vue comme une atteinte (trop) grave à la liberté d’expression. D’un autre côté, il faut empêcher la publication des messages racistes ou discriminatoires. Tous les journaux interrogés par la GRA essaient de lutter contre les commentaires haineux et considèrent le problème comme une question importante.

 

Le service de lutte contre le racisme de la Fédération (SLR), qui a publié en 2017 son rapport biennal sur la discrimination raciale en Suisse, souligne également dans sa préface écrite par le conseiller fédéral Alain Berset que les discriminations sont souvent dissimulées et difficiles à percevoir dans la vie quotidienne, mais qu’elles se manifestent de plus en plus de manière ouverte et agressive sur Internet et sur les réseaux sociaux. «Notre société a le devoir de répondre à toutes les discriminations en y opposant un discours ferme et résolu voire, lorsque des lois sont violées, en recourant à des moyens légaux.», explique Alain Berset. Les auteurs du rapport arrivent ensuite à la conclusion que «les opinions hostiles envers les étrangers et les minorités ne semblent pas avoir évolué de façon significative, en dépit de la politisation de l’immigration».

Chronologie de la GRA pour 2017

En 2017, la chronologie des cas de racisme publiée par la GRA en collaboration avec la Société pour les minorités en Suisse (GMS) a répertorié un total de 39 actes racistes repris par les médias dans toute la Suisse. Cette surveillance des médias reflète l’ambiance générale en Suisse et révèle des chiffres semblables à ceux des années précédentes, mais n’a toutefois pas la prétention d’être exhaustive sur le plan statistique. Parmi les 39 cas ne figurent pas les innombrables incidents non traités par les médias mais signalés presque quotidiennement à la GRA. Il s’agit principalement de discours haineux, c’est-à-dire d’incidents racistes sur Internet, dont, par exemple, des commentaires de lecteurs racistes (à l’encontre des étrangers, des Noirs, des musulmans, des Juifs) sur les sites de journaux en ligne ou profils de particuliers et personnalités politiques d’extrême droite sur les réseaux sociaux. En outre, on nous a aussi signalé sporadiquement des blogs aux contenus néonazis ou des affiches de promotion d’un événement (par exemple avec le visage d’un homme noir pour le Carnaval). Mais la GRA a également reçu des signalements de tags dans la rue, tels que «Nigger go home» à Zurich, ou de tracts racistes et antisémites distribués dans les boîtes aux lettres.

En ce qui concerne les «hate speech», la GRA aide les utilisateurs à signaler ou à documenter les messages haineux. Par ailleurs, il faudrait réagir aux discours haineux en utilisant les fonctionnalités de signalement des différents réseaux sociaux ou en présentant les bons arguments («Counter Speech»). Si un commentaire haineux enfreint la norme pénale contre la discrimination raciale, les utilisateurs devraient immédiatement réaliser une capture d’écran et la transmettre au ministère public cantonal. Il est aussi possible de signaler les blogs et sites aux contenus racistes au Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI) de Berne.

Il s’agit d’une question très sensible pour les utilisateurs suisses, comme le montrent les nombreux messages que la GRA reçoit presque quotidiennement. C’est pourquoi la fondation s’est également davantage penchée sur toutes les formes de discrimination en ligne en 2017 et a publié, entre autres, un guide sur les discours haineux, qui a été envoyé à plus de 2000 écoles dans toute la Suisse. Le guide présente la manière d’identifier les discours de haine et les organismes auprès desquels il est possible de signaler les contenus diffamatoires et racistes. Il donne également des conseils sur la manière de protéger sa vie privée lors de discussions délicates sur Internet. Le guide est téléchargeable à cette adresse: https://gra.ch/fr/education/discours-haineux/. La newsletter de décembre de la GRA a aussi abordé ce sujet: https://chronologie.gra.ch/GRA_Newsletter_Dezember_2017.html

En outre, la GRA a récemment organisé une séance d’information réunissant des experts sur la question du discours haineux. À cette occasion, Maya Hertig Randall, professeure de droit constitutionnel à l’Université de Genève, a souligné à quel point une législation et des sanctions contre les discours haineux sur Internet sont importantes. En effet, il en va de la protection de minorités vulnérables face à la discrimination, le dénigrement et l’exclusion. Pour les personnes touchées, les discours de haine sont souvent comme un coup de poing dans la figure.

En Allemagne, une nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er janvier. Celle-ci a pour but de poursuivre et sanctionner plus sévèrement les discours haineux sur Internet. Concrètement, elle oblige les réseaux sociaux à supprimer les messages haineux plus sérieusement et rapidement. Ses détracteurs critiquent toutefois le fait que cette loi sur l’amélioration de l’application du droit («Netzwerkdurchsetzungsgesetz») sur les réseaux sociaux, aussi appelée «loi Facebook», limite considérablement la liberté d’expression.

En Suisse, le Conseil fédéral a publié un avis sur les «Discours de haine sur les réseaux» en 2017 et s’est exprimé ainsi:

«La question de la mesure dans laquelle les règles régissant le monde analogique peuvent s’appliquer – et être effectivement imposées – dans le monde numérique se pose. Le Conseil fédéral s’est déjà exprimé à plusieurs reprises sur cette thématique ces derniers mois dans le cadre d’interventions parlementaires (…).» Et de poursuivre: «Les difficultés d’application des normes existantes aux réseaux sociaux résident avant tout dans la nature transfrontière de ces services, en raison du principe de territorialité qui fait obstacle à l’application du droit suisse en l’absence de rattachement en Suisse. À cela s’ajoute le fait que l’effacement ou le blocage d’un message diffusé sur un réseau social sur simple annonce d’un utilisateur indépendamment de toute décision administrative ou judiciaire pose de délicates questions de compatibilité avec les droits fondamentaux, notamment avec la liberté d’expression.»

Le spécialiste allemand de l’extrémisme de droite, l’antisémitisme et les théories du complot sur Internet Johannes Baldauf estime que la loi sur l’amélioration de l’application du droit («Netzwerkdurchsetzungsgesetz ») sur les réseaux sociaux n’a que peu de sens, parce que les discours haineux constituent toujours une «hostilité à l’égard d’un groupe spécifique» et un problème profondément social, duquel le droit pénal ne peut pas venir à bout seul.

La GRA va continuer à se consacrer intensivement à la question des discours de haine dans le monde numérique via des rapports ciblés et des événements spécialisés. Un examen approfondi systématique d’Internet est cependant compliqué et ne serait que peu révélateur sur le plan statistique. En effet, le principe suivant s’applique à cet égard: plus on cherche plus on trouve.

Des incidents racistes non mentionnés dans les médias sont également publiés chaque année par le «Réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme» (coordonné par l’association humanrights.ch et la Commission fédérale contre le racisme – CFR) dans le cadre d’un rapport sur les actes racistes traités dans le cadre de consultations. Dans ces rapports, les histoires de cas saisies dans une base de données commune de manière anonyme par des centres de conseil affiliés, sont évaluées. Par ailleurs, la CFR publie également au début de l’été, un rapport annuel relatant les décisions et les jugements rendus sur le plan national et international en matière de discrimination raciale dans différents domaines de l’existence.

Antisémitisme

La Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), qui recense les actes antisémites, a répertorié 39 incidents considérés comme antisémites en 2017. Internet est cependant analysé séparément. Ce chiffre concerne donc uniquement les incidents «hors ligne» signalés à la FSCI ou couverts par les médias. En 2017, les incidents les plus graves ont été trois agressions contre des Juifs et l’affichage de trois affiches nazies sur les autoroutes suisses. Le rapport complet de la FSCI sur l’antisémitisme est disponible à l’adresse www.antisemitisme.ch.

Islamophobie

En 2017, un organisme responsable de différentes associations et communautés musulmanes suisses a, pour la première fois, commandé une étude sur les discriminations rencontrées par les musulmans en Suisse.

L’étude, menée par l’institut de sondage gfs.bern, arrive à la conclusion que les musulmans de Suisse considèrent, dans leur grande majorité, le racisme et l’islamophobie comme un problème et se sentent largement discriminés.

Ainsi, une majorité (de musulmans, N. D. A.) se comporte «volontairement de manière prudente, pour ne pas apparaître comme musulman» au quotidien. Qui plus est: «Une majorité nette ressent une distance entre les chrétiens et les musulmans. Malgré le manque de reconnaissance et la discrimination ressentie en tant que groupe, 78 pour cent affirment que les musulmans de Suisse sont intégrés en tant qu’individus. Et 69 pour cent déclarent être satisfaits de leur vie en Suisse. Un tiers des personnes interrogées caressent toutefois l’idée de quitter un jour la Suisse.»

L’étude souligne également que l’un des problèmes principaux réside dans «l’attitude du public envers la communauté musulmane». Ainsi, 81 pour cent des personnes interrogées considèrent que le racisme est un problème grave, voire très grave, en Suisse. Par ailleurs, 74 pour cent estiment que les entreprises suisses ne s’engagent pas suffisamment dans la lutte contre le racisme (10 % considèrent leur engagement comme suffisant et 1% comme trop prononcé) et 83 pour cent sont tout à fait ou plutôt d’accord avec l’affirmation selon laquelle les musulmans sont discriminés en Suisse.

L’institut gfs.bern souligne cependant que les Turcs, les musulmans suisses-allemands et les conservateurs sont surreprésentés dans l’étude. C’est pourquoi l’étude devrait «être réalisée à nouveau, cette fois à une plus grande échelle, afin de respecter complètement les critères de représentativité.» Et de poursuivre: «Pour cela, il faut interroger davantage de personnes originaires d’Albanie et de Bosnie, ainsi que de personnes d’origine asiatique ou africaine» expliquent les auteurs.

Il existe également d’autres chiffres. Ainsi, le nombre de condamnations pour discrimination raciale envers les musulmans est passé de huit a six l’année dernière. Par ailleurs, moins de musulmans ont signalé des cas de discrimination auprès de centres de consultation. L’institut de recherche Forschungsinstitut Öffentlichkeit und Gesellschaft arrive aussi à la conclusion que la généralisation à propos des musulmans dans les articles de presse diminue depuis 2009.

Le rapport du SLR de la Fédération sur la discrimination raciale en Suisse, mentionné plus haut, qui a été analysé par l’Office fédéral de la statistique (OFS), a toutefois également révélé que l’islamophobie est répandue en Suisse. Ainsi, les responsables de l’étude écrivent: «Parmi les trois groupes étudiés dans l’enquête, c’est autour des musulmans que se cristallisent les plus fortes tensions sociales. Lorsque des caractéristiques négatives sont présentées, 17 % estiment que celles-ci s’appliquent aux musulmans; ce taux chute à 12 % chez les Juifs et 4 % chez les Noirs. Les taux d’hostilité sont à 14 % vis-à-vis des musulmans, 10 % pour les Noirs et 8 % pour les Juifs. Dans le cas des musulmans, l’hostilité envers ce groupe est toutefois moins forte que la défiance envers l’islam qui s’élève en 2016 à 33 %.»

Dans l’ensemble, l’évaluation de l’OFS montre que «la population évalue plutôt favorablement le fonctionnement de l’intégration des migrantes en Suisse. Le racisme est considéré comme problème social sérieux et 34 % des personnes interrogées sont d’avis que les mesures de lutte contre celui-ci sont insuffisantes. Selon elles, c’est avant tout la responsabilité de l’État, mais aussi de chaque individu et des pouvoirs politiques.

Au total, 36 % de la population a indiqué pouvoir être dérangée par la présence de personnes perçues comme différentes. Six pour cent de la population s’est déclarée dérangée au quotidien par une personne ayant une couleur de peau ou une nationalité différente. Environ 10 % est dérangée par une religion ou une langue différente. 21 % se dit même gênée par la présence de personnes ayant un mode de vie non sédentaire.

Racisme contre les personnes noires

Un groupe de chercheurs dirigé par le Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population (SFM) s’est penché sur les dimensions individuelle, institutionnelle et structurelle du racisme anti-Noirs en Suisse pour le compte du service de lutte contre le racisme (SLR).

Il a étudié 115 actes pour lesquels la justice a été saisie et 201 conflits traités dans le cadre de consultations. Selon les auteurs, les mots «nègre», «demi-nègre», «bamboula» ou «pépito» seraient très souvent utilisés. Les personnes concernées sont aussi souvent comparées à des animaux (p. ex. «macaque») ou sexualisées (p. ex. «pute nègre»). «Il n’est pas rare que ces mots soient accompagnés de violences physiques graves», poursuivent les auteurs.

La population noire n’invoque que rarement la norme pénale contre la discrimination raciale de l’art. 261bis CP. Ainsi, il est étonnant de constater que, selon l’étude, seules 57 condamnations liées au racisme anti-Noirs ont été prononcées. «Pour la majorité des personnes noires, la voie judiciaire n’est pas un moyen adapté de se défendre contre le racisme», explique l’étude à ce sujet. Selon elle, les obstacles sont généralement élevés et les chances de réussite incertaines. «Une raison importante pour laquelle la voie judiciaire ne convainc pas est la peur d’être confronté publiquement à des représailles racistes», ajoutent les auteurs. Dans le cadre de l’étude, ils se sont également entretenus avec 42 services d’intégration. «Selon 32 d’entre eux, les personnes noires sont régulièrement confrontées à de la discrimination raciale en Suisse», écrivent-ils. «Les domaines les plus cités par les services d’intégration sont le logement et la police.» Toujours selon l’étude, les discriminations sont «plutôt fréquentes» sur le lieu de travail, dans les transports en commun et dans l’espace public Elles se manifestent généralement par des insultes, mais aussi des actes de violence physique ou un manque de protection.

Extrémisme de droite

Depuis que plus de 5000 néonazis venus de toute l’Europe ont pu se rencontrer à l’occasion d’un concert à l’automne 2016 à Unterwasser dans le canton de Saint-Gall, les autorités et la police, ainsi que la population, ont été sensibilisés à cette question. Pourtant, un nouveau concert a eu lieu début 2017 dans le canton de Lucerne, où quelque 150 skinheads se sont retrouvés. Néanmoins, le concert a été étroitement surveillé par la police de Lucerne et les passages sur scène annoncés du groupe néonazi italien Bronson et du rappeur néonazi allemand déjà condamné Makss Damage ont été interdits. Plusieurs événements de moindre envergure dans le cadre desquels des musiciens d’extrême droite se sont produits ont attiré l’attention des médias dans les semaines suivantes, principalement parce que les organisateurs ont toujours réussi à maintenir les événements malgré des interdictions d’entrée et la présence de la police.

Le président de la Fondation GRA, Pascal Pernet, s’est exprimé dans une tribune dans le journal NZZ à propos de l’application de la norme pénale contre la discrimination raciale en relation avec les concerts de néonazis. https://zeitungsarchiv.nzz.ch/neue-zuercher-zeitung-vom-21-02-2017-seite-9.html?hint=1812537.

En Suisse, la scène d’extrême droite est stable depuis plusieurs années, le taux de renouvellement est cependant élevé, parce que se sont surtout des jeunes hommes qui sont actifs dans ce milieu. En outre, des informations selon lesquelles certains membres de l’aile droite de l’UDC ont un pied sur la scène d’extrême droite ou y ont été actifs dans le passé ont maintes fois été publiées ces derniers mois, c’est-à-dire que les extrémistes de droite essaient régulièrement d’entrer dans le parti. Bien que l’UDC ait parfois réagi, elle n’a jusqu’ici pas encore développé suffisamment de mesures préventives afin d’empêcher ce processus de manière proactive.

En outre, des tracts d’extrême droite dénigrant les étrangers les Juifs ou les musulmans sont apparus à divers endroits en Suisse.

Dans son rapport de 2017, le Service de renseignement de la Confédération écrit à propos de l’extrémisme de droite et de gauche:

«Depuis des années, la situation dans les milieux de l’extrémisme violent montre une tendance à la détente. Les événements liés à l’extrémisme de droite sont rares, ceux liés à l’extrémisme de gauche restent élevés. Les quelques événements isolés, qui retiennent souvent l’attention des médias, ne changent rien à cet état de fait mais sont autant de signes indiquant que le potentiel de violence reste bien réel et que la situation pourrait s’envenimer rapidement. L’augmentation des flux migratoires à destination de la Suisse, des attaques terroristes commises dans notre pays pour des motifs djihadistes ou une évolution dramatique dans les régions kurdes, en particulier en Turquie et en Syrie, seraient à même de susciter des protestations, attentats ou attaques violents parmi les milieux extrémistes. Dans le domaine de l’extrémisme de droite, il s’agit d’empêcher que la Suisse gagne en attrait comme lieu d’organisation de concerts et autres manifestations.» Et de poursuivre: «D’autres événements et rencontres (d’extrémistes de droite, N. D. A.) se passent d’intermède musical. Les extrémistes de droite ne cherchent pas à apparaître en public. Les manifestations, défilés et provocations restent rares, mais répondent souvent à un schéma traditionnel.»

Antitziganisme

Comme l’organisation Radgenossenschaft der Landstrasse l’a écrit dans un rapport en 2017, les Yéniches et Sintis «constatent une augmentation du racisme en Suisse». L’appellation générique «gens du voyage» dérange particulièrement l’organisation faîtière «Dans les trois minorités ethniques (les Yéniches, les Sintis et les Roms), certaines personnes exercent leur activité dans des caravanes, d’autres sont sédentaires», explique-t-elle. «Et, dans chaque ethnie, il y a des gens fréquentables et d’autres peu fréquentables, comme partout.

En rendant les “gens du voyage” responsables indistinctement d’infractions de toutes sortes, on met les membres de toutes les minorités dans le même panier et les monte les uns contre les autres», poursuit la Radgenossenschaft.

«Les minorités ressentent l’augmentation du racisme dès le colportage. Il est de plus en plus difficile en raison de l’accentuation de la méfiance.

La création d’aires de passage et de stationnement se heurte également souvent à un refus des communes.» Si des agriculteurs sont tout de même disposés à mettre des terres à disposition des commerçants nomades, «les autorités communales essaient de leur interdire de le faire en utilisant des arguments fallacieux».

Il existe en effet toujours beaucoup trop peu d’aires de passage et de stationnement pour les Yéniches, les Sintis et les Roms en Suisse. Les autorités ont des difficultés à mettre en œuvre les dispositions nécessaires à créer suffisamment d’aires et les communes, ainsi que la population, s’opposent souvent à la mise à disposition d’aires de passage ou de stationnement. Wileroltigen constitue un exemple de l’année dernière: pour la commune du canton de Berne, l’été 2017 a été tout sauf normal. En juin, quelques centaines de Roms ont occupé un terrain à côté de l’A1 et y sont restés jusqu’à la première quinzaine d’août. Le canton de Berne a ensuite voulu légaliser la situation illégale et transformer le terrain en aire de transit permanente pour «gens du voyage» étrangers. La population s’est révoltée. Cette commune est un exemple de ce qui se produit dans de nombreuses communes suisses. En effet, la Suisse manque d’aires de tous types. Il faut des aires pour accueillir 80 à 100 caravanes, c’est-à-dire des grands groupes. Il n’y en a actuellement encore aucune dans le pays. Il n’y a pas assez d’aires de passage pour accueillir des groupes de familles de 8 à 12 caravanes. Le nombre d’aires de ce type a chuté, comme l’explique le journal de la Radgenossenschaft der Landstrasse, «Scharotl», dans sa dernière édition. Il n’y a pas non plus suffisamment de lieux pour l’hiver, les aires de stationnement de Buech (Berne) et d’Eichrain (Zurich) sont surpeuplées.

La société pour les minorités en Suisse, GMS, contribue à renforcer la position des Yéniches et des Sintis en Suisse. Elle accorde une attention particulière au respect des droits fondamentaux des minorités nationales, dont les Yéniches et Sintis font partie, et propose son soutien aux communes en tant qu’interlocutrice ou intermédiaire. Avec sa brochure «Gens du voyage sur des terrains privés» et le modèle de contrat de location joint, la GMS contribue activement au renforcement du droit des minorités nomades à l’«arrêt spontané», tradition protégée par la loi.

L’arrêt spontané est le séjour limité dans le temps d’un groupe de Yéniches, Sintis ou Roms sur un terrain privé, dans des caravanes et à des fins commerciales. Les Yéniches et Sintis, en tant que minorités nationales reconnues, ont droit à la protection de leur mode de vie, y compris en Suisse

Mot de conclusion

Comme expliqué plus haut, Internet et ses diverses plateformes sont, depuis de nombreuses années déjà, le premier lieu de diffusion du racisme et de l’antisémitisme verbaux.

L’accès facile à des contenus et publications discriminatoires sur Internet, la vitesse effrénée à laquelle les textes circulent ainsi que l’abondance de textes font de la communication en ligne un lieu d’échange important de propos haineux de toutes sortes.

Les discours de haine sur Internet constituent toujours un coup de poing dans la figure des personnes concernées. Ils sont dangereux: les discours haineux diffamatoires blessent et excluent. Dans les cas les plus graves, ils peuvent entraîner des actes de violence physique. Les lois seules ne résolvent pas le problème à la racine. À cet égard, il faut un engagement de la société civile, que ce soit sous la forme d’organisations, qui jouent un rôle de chien de garde, ou d’organes de réclamations, vers lesquels on peut se tourner en cas de doute ou en cas de discours haineux évident. Par ailleurs, chacun, en tant que personne concernée potentielle, doit être conscient de sa responsabilité dans l’espace numérique.

Dans ce contexte, la chronologie de la GRA continuera d’assumer son rôle principal, celui de chien de garde, ainsi que d’évaluer de manière critique et de répertorier de façon systématique, et selon des critères et catégories éprouvées, les actes racistes, xénophobes et discriminatoires en Suisse, afin que les incidents discriminatoires qui s’y produisent actuellement soient rendus visibles, et soient consignés et archivés pour les générations futures.